Extrait de "histoire des goums marocains" La Koumia, Jean Saulay

Le poste d’Aoufous est commandé par le lieutenant de Tournemire, dont la puissante personnalité fait un émule d'Henri de Bournazel

Dans l'adieu qu'il lui adressa en mars 1971. le générai Parlange qui fut son ami comme « un grand -seigneur, à l'allure élégante et racée, possédant une classe et un charme qui attiraient et forçait ma sympathie. Homme d'action, soldat es chef né, il donna sa préférence à la vie du bled, de ce bled du sud marocain, prenant, rude et cruel, mais riche en satisfactions de métier et en enseignements pour une âme de sa trempe.

« Durant son séjour au Tafilalet, nombreuses furent les actions dans lesquelles il montra ses qualités de baroudeur et d'entraineur d'hommes. Une d'entre elles attira  particulièrement l'attention sur lui. Le 20 octobre 1928, alors qu'il était dans son  poste d'Aoufous, où il recevait son voisin et ami, le lieutenant de Launay, chef du Bureau des Affaires Indigènes de Ksar es Souq, il fut prévenu par un informateur qu'un important djich Aït Hamou venait de s'installer sur la falaise qui fait face à celle d'Aoufous, de l'autre côté de la vallée du Ziz et que le chef du djich l'invitait à venir se mesurer avec ses hommes. « La décision est vite prise. Tournemire et de Launay rassemblent leurs gens, non sans avoir alerté une fezza voisine, qui devra couper la retraite de l'adversaire, tandis que les éléments d'Aoufous le délogeront de sa position.

« Après une approche rendue pénible et difficile par la nature tourmentée du terrain, vallée profonde dans laquelle il fallait descendre, puis falaise escarpée qu'il, fallait escalader, — tout cela sous les vues et le feu de l'adversaire toutes les difficultés sont vaincues et le contact pris. 
« Dès le début les Aït Ramon,  solidement retranchés derrière des murettes, opposent une résistance farouche. Excellents tireurs, spécialistes de l'embuscade, ils soumettent les sahariens et les moghaznis à un tir nourri et ajusté, contre-attaquant à deux reprises au cours du combat. Au bout de deux heures, ils semblent fléchir, ce qui renforce l'ardeur des hommes de Tournemire et de Launay. Attaqués, les Ait Hamou décrochent rapidement, laissant leurs cadavres sur le terrain, ce qui n est pas dans leurs habitudes. La poursuite s'engage, encouragée par des coups de feu qu'on entend dans le lointain. « Les deux officiers pensent que c'est la fezza, qui coupe le retraite du djich. Hélas, pour accourir plus vite sur les lieux du combat, les partisans se sont écartés de l'itinéraire qui leur avait été fixé et se sont laissé surprendre dans un ravin où ils subissent des pertes.

« Cette malencontreuse rencontre ne compromet pas le succès de la journée, mais en diminue  cependant le résultat » ...

« Cette affaire d'Aoufous fit grand bruit en dissidence et porta un sérieux coup au prestige des Aït Hamou, alors que celui des sahariens et des moghaznis, et de leurs chefs s'en trouva renforcé : les noms de Tournemire et de Launay furent prononcés avec crainte et respect dans les ksour du gheris » ...

Le « combat d'Aoufous » fit grand bruit aussi à tous les échelons du commandement. Tournemire se fit infliger un blâme pour avoir engagé l'affaire avec une telle légèreté, sans en avoir référé ni à Erfoud ni à Bou Denib. Le dernier mot de l'histoire appartient au maréchal Franchet d'Esperey en tournée d'inspection. Ayant eu vent de la chose, il tint à se faire présenter Tournemire qu'il félicita chaudement, ajoutant qu'à son âge, il n'aurait pas agi autrement que lui ... Il ne fut plus question de blâme ni d'arrêts ...

http://www.ouarzazate-1928-1956.com/tafilalet/le-tafilalet.html : Le site mis en ligne par Jaques Gandini