LA REVOLUTION FRANCAISE ET NOS
FAMILLES
REMARQUE LIMINAIRE :
Le texte de cette note n'a pas toujours été rédigé
en fonction de la chronologie des évènements eux-mêmes,
mais, le plus souvent, suivant la chronologie des découvertes faites
aux Archives Départementales de la Corrèze.
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Le point de départ de notre recherche a été le Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, tome 36 aux Archives départementales de la Corrèze, pour les années 1914 à 1919. Il nous donne, sous la plume de l'historien corrézien Victor Forot, la liste des personnes qui, au moment de la révolution française, ont quitté le département pour l'étranger : les émigrés. Il s'agit essentiellement de nobles et de prêtres. Pour chacune d'entre elles, Victor Forot indique également la liste des biens qui leur ont été confisqués, et qui ont été vendus comme Biens Nationaux, conformément à la loi de 1792. L'auteur indique avoir trouvé matière à son étude dans les documents conservés, déjà à son époque, aux Archives départementales, sous les cotes Q 431 à 433, et L 200 et 1022.
La famille corrézienne de Bort, ne fait pas partie de ces listes, et ses membres n'ont donc vraisemblablement jamais émigré à l'étranger. Cela semble confirmé par le fait que les Bort sont toujours restés propriétaires de leur château et de leur domaine de Pierrefitte, qui n'ont pas fait partie des Biens Nationaux. Ils vendront seulement le tout, de leur plein gré, en décembre 1822. Les Tournemire, non plus, n'apparaissent pas parmi les émigrés, du moins en ce qui concerne leurs branches corréziennes.
L'étude de Victor Forot se poursuit par la publication des secours accordés
aux bénéficiaires de l'ancienne liste civile établie
en vertu de la loi du 28 avril 1825, dite Loi du Milliard des Emigrés.
Votée à l'époque de la Restauration, sous Charles X,
alors que Villèle était Président du Conseil, elle avait
pour but de rassurer les acquéreurs de biens nationaux en confirmant
leurs droits. Il s'agissait alors d'indemniser les victimes de la révolution,
et ceux qui avaient été spoliés de leurs biens, en leur
attribuant une rente au taux de 3 %. Votée dans un esprit d'apaisement,
elle fut très contestée.
Trois membres de la famille de Tournemire (mine) apparaissent dans la liste
des bénéficiaires des secours, alors que la pension elle-même
avait été liquidée : ce sont trois des enfants de Joseph
de Tournemire et de Pétronille Ouzoulias
: Antoine, prêtre, alors vicaire à Egletons, Joseph, et Marie.
Le document joint indique le montant du secours reçu par chacun (37,50
francs) et le montant de la rente annuelle initiale (150 francs) qu'ils auraient
du percevoir. Mais si l'on en croit ce document, Antoine Adolphe n'a pas
du conserver sa rente très longtemps.....
Victor Forot
ne précise pas à quel titre exactement ils étaient indemnisés.
Mais depuis ces premières recherches, nous avons retrouvé
les documents dont il s'est servi pour écrire son article, et d'autres
encore qui nous apportent quelques réponses à nos interrogations,
ou de nouvelles interrogations.
LES TROIS TOURNEMIRE(MINE) BENEFICIAIRES D'UN SECOURS
Reprenons les différents documents retrouvés, suivant l'ordre chronologique de leur établissement.
La "Liste générale des pensionnaires de l'ancienne liste civile avec indication sommaire des motifs de la concession de la pension, dressée en exécution de la loi du 23 décembre 1831" est le premier de ces documents. Il s'agit du scan du document d'origine, diffusé sur Internet par books.google. Imprimé en 1833 par l'Imprimerie Royale, il recense, sur 490 pages, les 11 953 individus qui depuis la loi de 1825 bénéficiaient d'une pension. Antoine y apparaît à la ligne 11 326, Joseph à la ligne 11 327 et Marie Jeanne à la ligne 11 328. Le montant annuel de la rente est bien de 150 francs. Le motif de son versement est le même pour les trois : "Neveu d'émigré persécuté". Nous n'avons pas encore identifié l'oncle, émigré persécuté. Comme nous l'avons vu plus haut, il s'agit très vraisemblablement d'un extérieur au département.
Nos trois Tournemire(mine) sont en fait Antoine Adolphe de Tournemine, né le 3 décembre 1809, Joseph de Tournemine, né le 1° juillet 1816 et Marie Jeanne de Tournemine, née le 29 septembre1817. Tous trois sont sur la base Pierfit. Leur identité précise est extraite de l'"Etat pour servir au paiement du secours accordé aux pensionnaires de l'ancienne liste civile résidant dans le département", état départemental établi, sous Louis Philippe, en exécution de la loi du 8 avril 1834. C'est le document consulté par Victor Forot, avec les annotations qu'il a publiées. Ce document avait été précédé d'enquêtes confidentielles menées par la préfecture. Le secours ne devait en effet être accordé qu'aux plus nécessiteux des pensionnaires de l'ancienne liste, ceux qui étaient considérés comme indigents, et pour lesquels le maire de leur commune de résidence avait établi un "certificat d'indigence".
Les archives départementales
de la Corrèze conservent ces enquêtes confidentielles. Chaque
document, daté du 12 août 1833, est établi sous forme
de questions-réponses, les questions étant posées par
la préfecture, et les réponses données par un enquêteur
dont l'identité n'est pas précisée.
Pour Antoine Adolphe, on note les éléments suivants :
"Vicaire à Egletons. D'après nouveaux renseignements fournis
par Mr le Maire d'Ussel qui ignorait sa position et avait accordé
à tort un certificat d'indigence, ses opinions sont loin d'être
favorables au Gouvernement de Juillet, mais il ne s'est pas compromis par
des actes hostiles. On pourrait s'en informer auprès du Maire d'Egletons". Et, à la question posée :
"sa pension de 150 francs lui est-elle en tout ou partie nécessaire", le rédacteur indique clairement :
"Je ne le pense pas".
Pour Joseph apparaissent au fil des questions les renseignements suivants
:
"N'a pas quatre cents francs de fortune en capital. Je n'ai pu connaître
au juste le montant des contributions payées, mais Mr le Maire m'assure
qu'il ne s'élève pas à 3 francs". "Est-il malheureux
et digne sous ce rapport de la commisération publique ?". La réponse est "Oui". "Sa
pension lui est-elle nécessaire ?" Réponse : "très certainement".
"Est-il le frère d'Antoine et de Marie Jeanne de Tournemine, autres
pensionnaires ?" Réponse :
"Oui".
En ce qui concerne Marie Jeanne, les renseignements fournis sont les suivants
:
"Sans fortune. N'a pas 400 francs de capital". "Sa pension est-elle Nécessaire
?" Réponse : "Oui".
"Est elle malheureuse ?" "Oui". "Est-elle la soeur d'Antoine et de Joseph
?" "Oui".
Nous avons fini par avoir quelques
renseignements -vagues- sur l'oncle émigré et persécuté,
en consultant la "Liste générale des émigrés
de toute la République (dressée en exécution de l'article
16 de la loi du 28 Mars 1792 et de l'article premier de celle du 25 Juillet
de la même année, première de la République Française)",
imprimée à Paris l'an 2 de la République par l'imprimerie
de l'administration des domaines nationaux. Un exemplaire de ce document
en trois gros tomes est conservé aux archives de Tulle, sous les cotes
Q 428, Q 429 et Q 430. Et l'on y trouve un Tournemire (pages 50 et 51 de
la lettre T), un seul, dont le prénom n'est pas précisé,
qualifié de "Noble", et pour lequel les renseignements complémentaires
fournis sont plutôt fantaisistes. Qu'on en juge :
- dernier domicile connu : département Cantal,
district de Mauriac, Municipalité de Leumont
en Limousin ! Peut être alors s'agirait-il
de "Le Mont", paroisse de Saint Etienne aux Clos en Corrèze, où
une branche de la famille venait de s'implanter ??
-situation des biens : département Cantal, district de
Mauriac, Municipalité de Trezac. Nous n'avons retrouvé aucune trace de
cette localité.
- date des arrêtés qui ont constaté l'émigration
: 26 Juillet 1792.
Nous n'avons pour l'instant rien découvert de plus pour identifier
ce Tournemire. Mais les recherches se poursuivent...
Revenons maintenant quelques années en arrière, à l'époque même de la Révolution. Le secours dont ont bénéficié nos trois Tournemire après la tourmente auraient fort bien pu leur être attribués en raison de l'incarcération de leur grand-père paternel, Augustin de Tournemire, l'ancien Chef de la garde nationale d'Ussel, à la prison de la ville .........
AUGUSTIN DE TOURNEMIRE A LA PRISON D'USSEL
Il est fait mention d'Augustin
de Tournemire dans l'ouvrage collectif édité en Juillet 1989
par le Conseil Général de la Corrèze, à l'occasion
du Bi-Centenaire de la Révolution Française
: "1789 en Corrèze". Dans le chapitre intitulé "la révolution
à Ussel", écrit par Henri Belcour,
le Maire de la ville, on peut lire à la page 131 :
".... Tout rentre dans l'ordre avec l'élection
de Jean Hyacinthe devenu Comte d'Ussel, comme Maire. Des hommes compétents
et raisonnables sont à la tête de la ville, élus par
les seuls citoyens actifs. Ils maintiennent l'ordre et évitent les
émeutes réitérées du printemps 1790, si nombreuses
ailleurs; mieux même, la garde nationale aide celle de Tulle dans la
répression. A sa tête, on trouve un ancien gendarme, Augustin
de Tournemire, adepte de la manière forte. Les mêmes vont veiller
sur les élections des Administrateurs du Département. ...."
Dans le chapitre "La Maréchaussée
et l'Ancien régime", on trouve dans le même ouvrage, sous la
plume du Lieutenant-colonel Rigal, à la
page 237 :
"1793, ce sont aussi les épurations. Les aristocrates
que sont le Capitaine de Combret, les maréchaux
des logis de Tournemire et de Fénis-Laprade,
n'y échappent pas . Ils sont destitués
le 24 Mars 1793 pour incivisme. De nombreux autres les suivront au cours
de ces années d'instabilité politique".
Et Augustin de Tournemire se retrouva, derechef, le 28 mars 1793, sans jugement aucun, incarcéré à la prison d'Ussel. C'était l'époque de la Terreur....
La prison d'Ussel avait été installée depuis 1792 dans l'ancien couvent des Ursulines de la ville, sur l'actuel boulevard Clémenceau. Elle y restera jusqu'au milieu du 20° siècle avant d'être transformée en laiterie et d'être démolie vers 1963. Le musée d'Ussel conserve l'ancienne porte de la prison, ainsi que la grille qui la protégeait.
Une lettre pathétique, hélas non datée, adressée par le prisonnier, depuis sa geôle d'Ussel, au tout puissant Pierre Roux-Fazillac, Constitutionnel en mission, Délégué du Peuple, siégeant à Tulle, nous donne quelques informations :
Quelque long que paraisse cet écrit, il devient nécessaire pour le justificatif d'un malheureux père de cinq enfants en bas âge, qui n'ont d'autre secours que lui.
Citoyen,
C'est le père infortuné de cinq enfants, c'est un vrai et
bon républicain, victime de la vengeance et de l'animosité,
languissant depuis près d'un an dans une captivité d'autant
plus dure qu'il lui a été impossible d'en découvrir
le motif,
c'est enfin un homme sans fortune, accablé d'infirmités qui
t'adresse un mémoire, parcequ'il sait
combien il t'es doux de trouver des innocens;
c'est au seul nom de la justice et de l'humanité que je réclame
la liberté; ces noms sont assez puissants sur ton âme pour me
valloir ton zèle et ta justice.
Si la noblesse n'est devenue intolérable
dans la république que par les privilèges gracieux dont elle
jouissait, les distinctions qui la rendait importune et le despotisme subalterne
qu'on lui reprochait, je ne dois être nullement compris dans la chute
qu'a fait cette classe puisque je ne tenais en aucune manière à
son élévation, né à peu près sous une
cabane dans le sein d'une famille qui, accablée journellement des sueurs
de l'agriculture n'allait nullement penser à une origine qui l'avait
si mal servi auprès de la fortune, je me destiné au Service
ou ma bonne conduite fut toute ma recommandation, je ne fus ambitieux que
pour avoir du pain. Le grade ou me trouva la révolution est une preuve
que ................(2 lignes manquantes)..................
après vingt quatre ans de service je fus nommé maréchal
des logis de la cy devant maréchaussée.
C'est dans ce poste que je puis dire avoir servi la révolution pendant
trois ans, en bon patriote. Dans toutes les marches qu'a fait la garde nationale
du district, on m'a vu des plus zélés à la soutenir
et à me porter à tout ce que demandais le bon ordre et mon
devoir. Transféré à Meymac pour y établir ma
résidence, la commune d'Ussel me délivra un certificat de civisme
qui ne laisse aucune équivoque sur la pureté de mon patriotisme.
Le Directoire, le tribunal du district y accédèrent, et plus
de 150 habitants, presque tous sans culotte formèrent une pétition
pour obtenir du département qu'en faveur de ma conduite révolutionnaire
je restasse parmi eux et auprès de ma famille.
J'ai demeuré huit mois à Meymac; j'ai eu les mêmes suffrages
de la commune et des patriotes de cette ville que j'avais obtenu de celle
d'Ussel. Toutes les pièces qu'on nécessité les attestations
ont été envoyées au département où elles
sont encore.
Malgré mon indigence je me suis distingué dans les dons patriotiques en tout genre. Je puis à ce sujet invoquer le témoignage des deux villes que j'ai déjà cité. Je n'ai rien oublié pour exciter la monté du service dans l'âme de ceux que je commandais pour la défense de la patrie. J'ai plusieurs fois exposé ma vie pour l'honneur, le respect et l'obéissance dues aux lois républicaines. Telle a été constamment ma conduite. Quels sont les moyens qu'on a employé pour détruire la bonne impression quelle devait naturellement faire, je l'ignore. Mais je mets ardament en avant que l'imposture et la calomnie sont les seules armes dont on a pu se servir contre moi, ainsi ayant toujours vécu en vrai républicain, mes procédés ne s'étant jamais démentis depuis la révolution, Dois je être opprimé comme un rebellionnaire et un ennemi de cette révolution ? Le triomphe de mes ennemis aurait-il dédommagé le république de l'injustice qui se trouverait persécuter un bon et vrai républicain.
Tout semble donc réclamer de la sagesse
du régime où nous vivons que je sois au plutôt rendu
au voeu et au calme de mes enfants pour employer tous ensemble le reste de
nos jours à servir la patrie.
Signé : Augustin Tournemire
Il n'obtiendra aucune réponse à sa demande, pas plus qu'aux requêtes suivantes qu'il adressera au même Roux-Fazillac. Rien d'étonnant quand on connait un peu le personnage. On raconte à son sujet l'anecdote suivante : deux commissaires de la ville de Tulle lui montrèrent un jour la liste de leurs détenus et le prièrent d'ordonner la mise en liberté des moins coupables. "Non", répondit froidement Roux-Fazillac. "Je ne prendrai pas la peine d'examiner cette liste : ce sont des détenus, ils doivent tous périr" (source Internet, non vérifiée).
Détenu semble-t-il modèle, Augustin de Tournemire s'était empressé de régler depuis sa prison le premier terme de l'emprunt forcé ordonné par le département, auquel il avait été assujetti : le 14 Juin 1793, le Receveur du District d'Ussel lui établissait un reçu constatant le versement de 335 livres, représentant la moitié de sa contribution.
Au bas d'une autre requête
qu'il avait par ailleurs adressée aux Citoyens Administrateurs du
district d'Ussel pour demander que Justice lui soit rendue, ces derniers
avaient ajouté les commentaires suivants :
Renvoyé au Comité de Salut Public pour être
statué sur l'objet de la pétition.... Observé cependant
que depuis l'arrestation du sieur Tournemire, il n'a été faite
aucune dénonciation contre lui, ni parvenu la moindre plainte sur
son compte.
Fait à Ussel au Directoire du District, le 28 Juin 1793, l'an second
de la République Française.
De son coté, sa nouvelle
belle-fille Marie de Tournemire (l'épouse de son fils Guillaume) se
démenait pour obtenir une libération au moins provisoire de
son beau-père. C'est elle qui trouvera une solution. Profitant de
l'état de santé plutôt délabré du prisonnier,
elle organisa une pétition parmi quelques co-détenus, susceptibles,
selon elle, d'attraper la maladie de peau qu'il avait contractée en
prison, maladie présentée comme très contagieuse :
Les soussignés, dans leur intérêt
personnel, viennent se joindre à l'exposante pour réclamer
des Citoyens Administrateurs du District, l'élargissement du citoyen
Tournemire, dont la maladie, dans un tems surtout de chaleur, est très
susceptible de communication.
Signé : Les détenus de la Maison d'arrêt d'Ussel, et
4 signatures.
La décision des dits
Citoyens-Administrateurs suivra rapidement :
...... Vu ladite pétition tendant à ce qu'il soit accordé
au Sieur Tournemire détenu en la maison d'arrêt de cette ville
un élargissement provisoire pour qu'il puisse se faire traiter plus
soigneusement d'une maladie dont il est atteint,
Le Directoire du District, Oui le Procureur susdit, commet le Citoyen Beaune,
Officier de Santé de cette ville, pour visiter le Sieur Tournemire,
malade, faire un rapport détaillé de sa maladie, l'affirmer
devant la Municipalité d'Ussel pour ....(??)....être statué
par le présent Directoire ce qu'il appartiendra.
Fait au Directoire du District d'Ussel le 3 Août 1793, l'an second
de la République, Une et Indivisible.
Antoine Beaune examinait le
jour même le prisonnier, et dès le lendemain remettait son rapport
aux autorités. On y lit un diagnostic détaillé :
..... Nous luy avons trouvé
une éruption miliaire généralle
à toute la superficie de son corps occasionnée par raréfaction
de sang et des humeurs. Cette maladie a pour principe la saumure et l'épaississement
que ce même sang et les humeurs ont contracté soit par lair qu'il a respiré, les aliments qu'il a
pris ou le défaut d'exercice qu'il avait coutume de faire. Cette indisposition
a entraîné avec elle beaucoup de fièvre, grande douleur
de tête et une démangezon insupportable
malgré tous ces ..(??)... Il a été
heureux que cette ..(??).. se soit portée au dehors. Si par quelqu'autres évènements elles se fussent
cantonnées dans quelqu'une des capacités, c'est à dire
le tête, la poitrine et le bas-ventre, elle était de nature
à produire les plus grands désordres. Pour remédier
à la circonstance présente et empêcher qu'elle ne produise
d'autres accidents comme elle est susceptible de le faire, le citoyen Tournemire
a besoin de changer d'air, respirer celui de la campagne par préférence,
prendre des remèdes qui adoucissent et délayent son sang sans
l'incendier, prendre des bains domestiques, observer un régime analogue
à son état, sans quoy il s'exposera
à de grands dangers, ce que je certifie sincère et véritable.
Le Directoire siégeant
sans doute à longueur de journée, prenait sa décision
le soir même; nous sommes le 4 août 1793 :
Le Directoire du District, le Procureur sindic oui, autorise provisoirement et jusqu'à
nouvel ordre seulement le sieur Tournemire à se retirer au lieu de
Bay, en sa maison de campagne, municipalité
de Tourette, et sous la surveillance de cette
municipalité, à charge tant par elle que par ledit sieur Tournemire
de faire parvenir en le Directoire, de huitaine en huitaine un certificat
qui attestera que ledit Tournemire réside au lieu de Bay, d'où il ne pourra s'absenter, et de réintégrer
ladite maison d'arrêt après parfaite guérison, et autrement
toutes fois et quand il en sera requis à cet effet.
Copie du présent arrêté sera envoyée tant au
département qu'au procureur de la commune de La Tourrette, ce dernier étant chargé d'en
surveiller l'exécution.
La suite ? L'histoire ne la raconte pas. Ou du moins les documents retrouvés aux Archives départementales de la Corrèze restent muets à ce sujet !
TROIS AUTRES TOURNEMIRE INCARCERES A USSEL
Trois autres Tournemire issus
d'une autre branche de la famille ont été incarcérés
à la prison d'Ussel quelques semaines après la libération
d'Augustin : Pierre de Tournemire, originaire du Cantal, son fils Pierre
né dans le même département (il avait pour mère
Françoise Rivière, première épouse du précédent),
et la deuxième épouse du premier, née Suzanne de Chalus. Ils étaient tous trois domiciliés
au château du Mont, à Saint Etienne aux Clos (19).
A noter que Pierre-fils avait une soeur, Marie
(donc fille de Pierre-père, tout le monde
suit ??). C'est elle dont nous avons parlé dans le précédent
paragraphe. Un petit rappel s'impose : après avoir épousé
son très lointain cousin, Guillaume de Tournemire, elle aura une part
prépondérante dans la libération de son beau-père
Augustin.
Comme Augustin les deux Pierre
de Tournemire et Suzanne de Chalus ont été
incarcérés sans jugement, et sans bien savoir ce qui leur arrivait.
Comme pour Augustin aussi, c'est la belle-fille, Marie Jeanne Dubois de Saint
Julien, l'épouse de Pierre-fils qui se
démènera pour tenter d'obtenir la libération de son
beau-père, de sa mère, et de son propre époux. Une femme
de caractère, semble-t-il, qui, sans le nommer directement, ne craint
pas d'apostropher Roux-Fazillac dans les deux
seules correspondances de ce dossier retrouvées aux archives départementales
de la Corrèze, qui font que le sort des trois prisonniers nous restera
inconnu.
Citoyen Représentant,
Dans le courant du mois de pluviôse dernier, Pierre Tournemire père
et fils, mon beau-père et mary, ainsi que Suzanne Chalus ma mère, tous domiciliés au lieu
du Mont présentèrent une pétition à leur commune
de St Etienne qui y répondit au bas, ainsi que le Comité de
cette commune. Ils vous firent passer le tout, croyant obtenir un jugement,
mais le décret du 8 ventôse relatif aux incarcérés
les renvoyant devant le comité de sureté
générale, je vous prie, Citoyen Représentant de vouloir
remettre au porteur de ma lettre que je renvoy
à ces fins les pièces qu'ils vous ont envoyé. Peut être
dans le suite elles pourraient leur être de quelque utilité.
Salut et Fraternité
La citoyenne Dubois Tournemire
A Ussel le 29 Prairial, l'an 2.
C'était le 17 juin 1794,
l'incarcération remontant aux alentours de septembre 1793. La réclamante
ne se prive pas pour envoyer une lettre de rappel, quelques jours plus tard,
au même Roux-Fazillac :
Citoyen Représentant,
Malgré le refus que tu as fait à l'exprès que j'envoya
la décade dernière pour te prier de me remettre les pièces
justificatives de la conduite de Pierre Tournemire du Mont, père et
fils, mon beau-père et mari, et de Suzanne Chalus
Tournemire ma mère, je ne rebute pas. S'ils gémissent depuis
neuf mois en déttention, ce n'est point
le loi qui les y a fait mettre, et encore moins les motifs de suspicion; c'est
simplement pour avoir négligé de demander des certificats de
civisme conformément à l'arrêté du comité
central de Tulle qui obligeait les ex-nobles de se munir de ses certificats
dans un délai de huitaine, et ils ignoraient cet arrêté
quand on vint les arrêter. Au moins d'après tous les renseignements
que j'ai pu prendre de leurs griefs, je n'en ai pu découvrir d'autres;
leur conduite et amour pour le bien public leur est garant qu'il ne peut
même pas en exister.
Tu es trop juste et trop humain pour retenir devers toi des pièces
qui peuvent opérer leur délivrance et me rendre une famille
dont je suis privée bien jeune et qui n'avait pas mérité d'être désunie. J'attends
de toi cet acte de justice.
Salut et Fraternité.
Signé : Dubois Tournemire
A Ussel, ce décadi Messidor, l'an second de la République,
Une et Indivisible.
Tous trois avaient en fait été
victimes de la loi du 17 septembre 1793, dite Loi des Suspects :
« Sont réputés suspects
« Ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs
écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme,
et ennemis de la liberté.
« ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d'existence et de
l'acquit de leurs devoirs civiques;
« ceux qui n'auront pu obtenir de certificat de civisme;
« les ci-devant nobles qui n'ont pas constamment manifesté
leur attachement à la Révolution;
« les émigrés, même s'ils sont rentrés;
« les prévenus de délits, même acquittés.
En fait, avec cette loi, chacun pouvait
être incarcéré à tout moment, sans raison, et
sans jugement.
La cause révolutionnaire
manquait alors de fonds, le numéraire était rare, les assignats
dépréciés, l'impôt rentrait difficilement dans
les caisses publiques et suffisait à peine aux besoins des armées
(Johannès Plantadis,
pages 184 et 185 du bulletin de l'année 1913 de la Société
des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze). Pour faire face à
toutes les dépenses nécessaires à l'arrestation, à
la garde et à la nourriture des personnes suspectes, le sanguinaire
Lanot, Constitutionnel Représentant du
Peuple, envoyé en mission en Corrèze, qui avait été
dans ces fonctions le prédécesseur de Roux-Fazillac
(son séjour dans le département sera marqué par une
utilisation sans grand discernement de la guillotine), et son collègue
de la Haute Vienne Brival, prennent d'un commun
accord un arrêté prononçant le séquestre et l'affermage
des biens de certains suspects. Le "Registre des recettes des biens des détenus
et père et mères d'émigrés", pour la période
du 10 avril 1792 au 14 germinal an III), fait apparaître trois versements
effectués le 4 vendémiaire an 2 (25 septembre 1793), au nom
du Sieur Tournemire, du Mont, à Saint Etienne aux Clos.
- Le citoyen Gorsse, fermier du domaine du Mont
est inscrit tout d'abord pour avoir versé 104 livres et 14 sols, ce
qui correspond à 10 quintaux et 47 livres de blé et seigle
livrés au "grenier" de la ville d'Ussel.
- Jeanne Dubois-Tournemire est inscrite pour
un versement de 305 livres, correspondant aux fruits produits par le pré
appelé La Prade, à la suite d'un
bail qui lui a été consenti par l'administration du District
d'Ussel.
- Elle est aussi inscrite le même jour pour un versement de 60 livres
et 10 sols pour les fruits et revenus du moulin du Mont, terres et près
y attenant, provenant du Sieur de Tournemire, et pour lesquels elle avait
obtenu un bail de l'administration du District.
D'AUTRES TOURNEMIRE OU TOURNEMINE DANS LA TEMPETE DE LA REVOLUTION, EN DEHORS DE LA CORREZE
DANS LE CANTAL
: les évènements qui suivent sont bien postérieurs
à ceux racontés dans le paragraphe précédent,
mais lui sont liés d'une certaine façon. Ils mettent en cause
l'un des deux Pierre de Tournemire précédents, sans qu'il soit
possible de déterminer lequel, et l'un des frères de celui-ci,
Antoine, prêtre dans le Cantal, recherché par les révolutionnaires.
La correspondance reproduite ci-dessous, datée du 18 Brumaire an 7
(8 novembre 1798) est signée d'un certain Duval, du 5° bureau
de la 2° Division du Ministère de la Police Générale
de la République, à Paris. Elle est adressé à
l'Administration Centrale du Département de la Corrèze, à
Tulle. Elle n'est pas de nature à éclaircir les liens entre
individus, au sein de la famille Tournemire.
Mon prédécesseur a reçu, Citoyens, votre arrêté
du 7 frimaire an 6, portant l'ordre de faire arrêter Pierre Tournemire,
ex-noble de la commune du Mont, et celui que l'Administration centrale du
Département du Cantal a pris dans la même affaire, et qui déclare
que l'inscription sur la liste générale des Emigrés
du nom de Tournemire, sans prénom, n'est pas applicable à Pierre
Tournemire que vous avez fait arrêter, mais à Antoine Tournemire,
prêtre, son frère.
Je remarque que vous auriez du, dans cette circonstance, vous dispenser d'émettre
votre opinion sur la question de l'application d'inscription, pour la raison
que c'est l'Administration centrale du Cantal qui a fait porter Tournemire
sur la liste des Emigrés. Je m'en réfère donc à
l'avis motivé inséré dans l'arrêté de cette
dernière Administration.
Vous aurez soin de faire mettre en liberté Pierre Tournemire et de
me rendre compte de ce que vous aurez fait dans cette circonstance.
Le projet de réponse
se trouve au bas de la lettre d'origine :
Nous avons reçu votre lettre du 18 brumaire relative
à la mise en liberté du nommé Pierre Tournemire. D'après
les éclaircissements que nous avons pris, il en résulte que
l'application de la présente circulaire du 7 frimaire an 6, n'a point
reçu son exécution, Tournemire s'étant soustrait à
l'arrestation que nos procureurs (?) avaient prononcé contre lui.
Nous allons transmettre votre lettre à l'Administration municipale
du Canton.
EN LOZERE : aux Archives nationales, on trouve des listes de condamnés à mort sous la Révolution. Parmi eux Jean Tournemine, curé de Florac en Lozère a été condamné à la peine capitale par le tribunal révolutionnaire de Paris le 6 messidor an 2 (24 Juin 1794), accusé d'être contre-révolutionnaire. Le document précise qu'il a été "éliminé", comprendre "guillotiné", le premier septembre de la même année.
ET UN BONNOT DE BAY INCARCERE A LIMOGES
On trouve aux Archives départementales
de la Corrèze deux requêtes, aux termes très voisins,
rédigées par Jean Baptiste Pierre Bonnot pour tenter d'obtenir
la libération de son fils Jean-Jacques, le seul qu'il ait eu (respectivement
Pierre et Jacques sur la base Pierfit).
L'une des deux arriva au Représentant du Peuple en Corrèze,
Joseph-Antoine Lanot.
La requête lui parvint alors qu'il savait la fin de sa mission proche
: rappelé à Paris quelques jours plus tard (5 ventôse
an 2, ou 23 février 1794), il quittait ses fonctions pour laisser
la place à son successeur Roux-Fazillac,
avec lequel il avait collaboré quelques temps. L'autre requête
revêtue de plusieurs annotations avait semble-t-il était adressée
directement à Roux-Fazillac. Voici le
contenu de la première, une peu confuse, mais qui indique bien le contexte
de l'arrestation.
Citoyen, représentant du Peuple, Commissaire dans le département de la Corrèze,
Pierre Bonnot Père, âgé de
quarante trois ans chargé de cinq filles et un garçon qui gèrait ses affaires et était son unique
ressource,
Ce fils qui depuis 1789 jusqu'au commencement de 1793 a habité Toulouse,
retiré à Ussel Chef-lieu de son District, il s'est rendu utile
à des concitoyens d'une manière peu intéressée,
en remplissant auprès du tribunal les fonctions d'homme de loy.
Sa conduite et son patriotisme soutenus de la morale lui ont mérité
un certificat de civisme de sa commune, visé par le district, le département
et enfin, au terme de la loi, approuvé par le comité de surveillance
d'Ussel le 12 octobre dernier. Quoique hors de réquisition de la première
classe, il fut honoré d'une place de Capitaine dans une des compagnies
du bataillon qui est partie pour Aix. En passant par Tulle pour se rendre
au lieu de sa destinée, je ne sais par quelle fatalité le ci-devant
Comité central du département écoutât plutôt
la voix de ses ennemis que son patriotisme certifié par tout son district,
pour le priver de sa liberté.
L'arrêté lancé contre lui respire la plus pure calomnie.
On lui reproche d'avoir fait nommer Damarzis
Commandant en Second de la ci-devant force départementale; ce fait
qui est sans fondement à son égard a eu cependant son exécution.
Mais c'est de la part du citoyen Amadieu, aussi
recommandable par son civisme que par ses vertus républicaines. D'ailleurs
Damarzis obtint un certificat de civisme de toutes
les sociétés populaires du District d'Ussel. Le département
même, convaincu de son patriotisme, lui donna la commission d'aller
faire bruler les titres féodaux de Meymac.
Ces témoignages devraient le porter à croire sincèrement
sur le compte de Damarzis. Si vous considérés
surtout, Citoyen Représentant, qu'il devait moins connaître
ses sentiments pour avoir à peine habité à cette époque
son pays quatre mois depuis la Révolution, au reste tout ce qu'on pourrait
opposer contre Damarzis se trouve démenti
par son élargissement prononcé par le Citoyen Lanot, Représentant.
Voilà Citoyen le principal fait de l'imputation dirigée contre
mon fils. S'il en est d'autres, il ne les connait pas. J'avance qu'ils sont
faux et que quelque soit la perversité de ses ennemis, elle ne détruira
jamais une seine morale que lui dicte l'esprit d'un vrai républicain.
La liberté ne peut lui être refusée sous aucun prétexte
parcequ'il n'a rien à se reprocher.
Citoyen Représentant, depuis quelques mois, mon fils est opprimé;
il endure les coups de ses ennemis, je ne crains pas un oeil impartial, je
réclame Justice pour mon fils. Un jugement de votre part la fixera.
Signé : Bonnot Père, qui est un roturier qui n'a point de parents émigrés, réclame son fils pour aller aux ...(??)...
Lanot avait annoté le document comme suit :
Renvoyé au Citoyen Roux-Fazillac,
Représentant du Peuple dans le Département de la Corrèze.
Tulle, le 21 pluviose l'an 2 de la République
Une et Indivisible.
Signé : Le Représentant du Peuple, Lanot
Dans l'autre version de la requête, Bonnot père précisait qu'il n'avait pas d'émigrés dans sa famille, mais également aucun prêtre. Les annotations successives qui y figurent donnent quelques renseignements complémentaires sur les dates et lieux :
- Renvoyé au Comité de Surveillance de la commune d'Ussel pour faire ses observations. Le 5 ventôse an 2. Signé : Forsse.
- Le Comité, d'après un examen sérieux
dit qu'il n'a pas de connaissance du motif de l'arrestation de Jacques Bonnot
fils détenu à la maison ..(??)..
de Limoges, que pendant les temps que Bonnot Fils
a resté dans cette commune il ne nous est parvenu aucune plainte contre
luy.
Au Comité de Surveillance républicaine ....... d'Ussel, le
8 ..... Signé : Lachaud.
- D'après ce qu'il résulte du certificat
de civisme accordé au fils du pétitionnaire et des observations
du Comité de Surveillance de cette commune, l'agent national pense
que Bonnot fils doit être provisoirement mis en liberté et renvoyé
sous la surveillance des corps constitués de sa commune. A moins que
la conduite qu'il peut avoir tenue à Tulle où il a été
mis en arrestation s'oppose à cette liberté.
Au Directoire du District d'Ussel, le 9 septembre an second de la République,
Une et Indivisible.
L'Agent national près le District d'Ussel. Signé : Forsse.
Jean Jacques de Bonnot de Bay survivra à ces évènements : il épousera Madeleine Monteil dont il aura au moins quatre enfants, et ne décèdera qu'en 1825.
OÙ
L'ON DECOUVRE DES PRECISIONS
ET DEUX NOUVEAUX INCARCERES
Un vieux registre référencé parmi d'autres sous le titre générique et un brin sibyllin de "documents spécialement relatifs aux administrations de départements, de districts et de cantons depuis la division de la France en départements, jusqu'à l'institution des préfectures en l'an VII", donne en fait une liste précieuse des individus qui ont été détenus à la prison d'Ussel pendant la Révolution. On trouve parmi eux les personnages déjà cités, auxquels s'ajoutent deux nouveaux. Voici pour chacun d'entre eux la transcription des annotations dont ils font l'objet.
@ Augustin Tournemire. Cy devant Maréchal de la Gendarmerie, ex-noble âgé de 51 ans. Mis en arrestation le 7 Mars dernier. On l'a regardé comme très intriguant. Dangereux, il a été suspendu de ses fonctions par le Ministre. Il remplissait cependant avec exactitude les devoirs de sa place. Sa fortune est médiocre.
@ Ex-noble Tournemire père, âgé
de 56 ans, habitant la commune de Saint Etienne aux Claux,
Tournemire fils 1° âgé de 25 ans,
Tournemire fils 2° âgé de 18 ans,
Femme Chalus-de Tournemire père, âgée
?
ont été mis en arrestation tous
quatre le 22 octobre dernier comme ci-devant n° 66, et sans être
nanti de certificat de civisme. Ils l'ont obtenu depuis leur détention.
Leur commune ne leur impute rien. Tournemire fils premier est marié.
Tournemire second du nom, quoique sujet à la première réquisition
ne s'est jamais présenté pour le recrutement. Il a même
fait des absences pour s'en exempter. Leur fortune est honnête en biens
fond.
Les deux premiers sont bien entendu Pierre Tournemire père et fils dont nous avons déjà parlé. Quant à Tournemire fils, second du nom, il ne nous est pas connu.
@ Bonnot. Homme de loy, âgé de 26 ans a été mis en état d'arrestation depuis le commencement de frimaire par le comité central de Tulle et ensuite transféré de Tulle à Limoges. On ignore les motifs de la détention. Le public a pensé que quelques propos inciviques qu'il avait tenus à Tulle dans le temps qu'il était dans la force armée du département était cause de son arrestation.
Il s'agit ici du Jean-Jacques de Bonnot de Bay, objet de l'un des paragraphes précédents. Comme il apparait dans cette liste, on peut supposer que, de Limoges, il a été transféré à Ussel.
@ Bort aîné habitant de la commune d'Ussel et détenu. Cy devant noble âgé de 70 ans, a été mis en arrestation le 17 frimaire à défaut de certificat de civisme. Il l'a cependant obtenu depuis. Il a justifié avoir deux fils sur les frontières qui ont toujours resté à leur poste. Il est comode en biens fond.
Quelques hypothèses :
Bort aîné dont il est question ici est sans doute Joseph de
Bort, qui fut Seigneur de Pierrefitte. Cette identification est parfaitement
compatible avec les dates, et l'âge du détenu. De plus il avait
eu plusieurs frères dont il était l'aîné, et lui
même était père de plusieurs fils. Peut être, à
cette époque là, avait-il crû bon de délaisser
Pierrefitte, un peu trop voyant dans la région, pour prendre un domicile
plus discret à Ussel. On sait en effet par ailleurs que, en ces temps
troublés, Pierrefitte avait été abandonné et partiellement
détruit. Dans sa "Généalogie de la famille de Bort" parue
en 1895, le Docteur Longy écrit : "les
créneaux, les mâchicoulis et le sommet des tours ont été
démolis sur une hauteur de cinq mètres par les Marseillais
en 1893. Ils durent renoncer à leur oeuvre de destruction à
cause de la solidité des murs". Longy
ne relate pas l'incarcération de Joseph de Bort. Par contre il évoque
celle de son fils aîné, Léonard Antoine : " Pendant la
Révolution, il fut incarcéré dans la prison d'Ussel,
puis relaxé". Nous n'avons retrouvé aucune trace de cette incarcération.
Peut-être s'agit-il alors d'une simple confusion entre le père
Joseph, et le fils Léonard-Antoine.
L'identité du détenu est confirmée par le document des archives départementales de Tulle, intitulé "Etat des sommes acquittées sur les revenus des détenus de l'arrondissement de Bort depuis leur incarcération jusqu'au 10 frimaire an 3". On y trouve, désigné par son nom et son prénom, Joseph de Bort, au nom duquel a été versée le 21 brumaire de la même année, la somme de 10 (francs, livres ??), à titre de pension alimentaire à ladite Marianne de Bort, déjà citée.
Enquête à suivre...
Jean-Paul Cueille
Mise à jour Septembre 2008.