Pie XII, un pape dont il nous faut défendre la mémoire

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Pie XII, un "collaborateur" ?


Le 22-6-1938, Pie XI confia la rédaction d'une encyclique à John Lafarge, jésuite américain, aidé de 2 autres jésuites : Gustav Gundlach (Allemand) et Gustave Desbriquois (Français). Celle-ci, intitulée Humani generis unitas L'unité du genre humain (contre l'antisémitisme), resta cachée.


Gertrude von Le Fort disait : 
«Je n'ai jamais considéré l'élément. historique comme une fuite hors du temps où l'on vit, mais comme le recul grâce auquel on reconnaît plus nettement sa propre époque, de même que l'on ne perçoit les lignes caractéristi­ques d'une chaîne montagneuse qu'à une certaine distance de celle-ci» (Autobiogra­phische Skizzen).

 

Ell entraîne donc son lecteur dans la Rome du XIIIe siècle, sous Brancaleone. Mais si l'arrière-plan historique est solidement. documenté, l'action principale, quant à elle, relève de l'imaginaire. La forme est délibéré­ment celle d'une « légende» - au sens étymologique et religieux de récit «à lire» et à  méditer. Et, de fait, la légende, « forme symbolique » (Gisbert Kranz), adoptée ici en réaction contre le «réalisme» brutal et grossier de Hochhuth, est bien le genre apte à faire deviner le sens caché des événements: elle donne accès à la sphère du surnaturel

 

Les dernières lignes ....


J'ai mis ces lignes par écrit, quelque modestes et insuffisants que puissent être mes moyens, car mon maître, après son retour à la maison du Père, continue d'être méconnu et calomnié. Peut-il, du reste, en être autrement dans un monde, qui parle sans cesse, un monde qui n'arrête pas de répéter les reproches éhontés des bavards ?
A moins que l’on -puisse me dire s'il y a eu ne fût-ce qu'une seule voix pour faire comprendre au monde que ce fut justement le  silence de mon maître qui retint les nobles de commettre le pire ...

Et c'est ainsi que moi qui avais jadis l'heureuse fonction d'être, de son vivant, le gardien du seuil de mon maître, je suis devenu aussi le gardien du seuil de son tombeau, moi, le seul à pouvoir annoncer que ce tombeau est celui d'un saint.

Gertrude von Le Fort, « Le Silence », Editions de Chiré

Gertude von Le Fort est l'auteur de l'incontournable "La Femme Eternelle"  (Préface de Françoise Mallet-Joris Cerf 1968, . "Foie vivante" 90)
et aussi d'une nouvelle
"La Dernière à l'échafaud" (traduction de blaise Briod, Desclée De Brover 1937, dernière ed. 1959) qui servit d'argument à Bernanos pour son  "Dialogue des Camélites"

Quelques forgeries (Joël Pottier)

Une pratique commune aux détracteurs de Pie XII consiste, faute de pouvoir produire contre lui des charges suffisantes, à tenter d'accréditer l'idée que si d'autres hommes d'Eglise ont pris la défense des Juifs, ils n'ont pu le faire qu'en désaccord avec le pape ou en se démarquant de lui. Des personnalités célèbres se trouvent par là - à des degrés divers ­récupérées à leur corps défendant.

Ainsi Hochhuth et Friedliinder avaient, pour monter 1'« Opération Vicaire» (Paul Ras­sinier), inventé un conflit entre le pape et Mgr von Galen, évêque de Münster, qui, en 1941, s'était dressé contre l'extermination des incu­rables et des malades mentaux (1). Plus tard, dans Dieu et la politique (1971), le R.P. Bruckberger (inattendu ici) avait opposé à Pie XII Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, qui avait protesté dans sa fameuse lettre pastorale de juillet 1942 contre les déportations de Juifs. Dernier en date dans cette liste non exhaustive, Léon Papeleux (dans son livre Les Silences de Pie XII (1980) - salué comme le «dossier objectif d'un historien» par René Laurentin. . .) se sert contre le pape du Père Alfred Delp, jésuite allemand exécuté par les nazis en 1945; Delp, selon lui, reprochait «qu'on ait oublié l'exemple de saint Jean­Baptiste dénonçant publiquement la tyrannie de Hérode Antipas ».

Il est aisé de démonter toutes ces oppositions échafaudées entre le Souverain Pontife et ses « vicaires». Chez Hochhuth et Friedlander, la falsification et l'intention de nuire sont patentes. On sait en effet que Pie XII laissait le soin « aux pasteurs en fonction sur place d'apprécier si, et jusqu'à quel point, le danger de représailles et de pressions en cas de déclarations épiscopales, ainsi que d'autres circonstances dues peut-être à la longueur et à la psychologie de la guerre, conseillent de faire preuve de réserve - malgré les motifs donnés - ad maiora mal a vitanda » (lettre du 30 avril 1943 à Mgr von Preysing, évêque de Berlin). Mgr von Galen (que Pie XII, à l'époque, cita en modèle aux autres évêques allemands!) n'avait donc nul besoin d'une « instruction du pape» pour parler ou pour se taire, et la condamnation de l' « euthanasie » par le Saint-Office (décret du 2 décembre 1940) avait dû lui paraître suffisamment explicite.

En ce qui concerne le bouillant dominicain, force est de constater que c'est son gaullisme peu nuancé qui l'égare. Mgr Saliège élevant seul la voix au milieu d'une hiérarchie plongée, selon Bruckberger, dans 1'« idolâtrie pétainiste », voilà du même coup le pape ravalé au rang de repoussoir! Or c'est à la demande de Pie XII que Radio Vatican diffusa plusieurs fois la protestation du prélat français...

Quant à l'argumentation de Papeleux, elle repose sur l'exploitation tendancieuse d'un texte de troisième main. Certes, il existe bien un passage où le Père Delp, par figure de rhéto­rique, semble reprocher à l'Eglise de se taire. Mais la citation, tronquée, visiblement recopiée dans la traduction française approximative de The Catholic Church and Nazi Germany de Guenter Lewy, doit être replacée dans son contexte, d'où Lewy, puis Papeleux, l'ont arrachée (2) Le fil du discours rétabli, on s'aperçoit qu'en réalité, le Père Delp vise des questions générales du ministère pastoral et non telle situation politique concrète (en l'occurrence, comme l'insinue Papeleux, « le refus de Pie XII de condamner publiquement les crimes nazis »).

Les procédés jugent leurs auteurs.

 

Notes

 (1). Cf. Der Stellvertreter (Le Vicaire), acte Il (Riccardo: « [...] le pape qui n'a même pas soutenu les paroles de Galen »). Hochhuth a le front de faire dire à son personnage que Mgr von Galen n'a rien fait pour les Juifs parce qu'ils n'étaient pas baptisés. Cf. aussi Saul Friedlânder, Pie XII et le Ill' Reich. Documents, Paris: Seuil, 1964 «< Les archives du Vatican pourront seules révéler si les sermons de Mgr Galen [...] furent prononcés sur instruction du pape ou ne furent dus qu'à l'initiative personnelle de l'évêque », p. 74). 

(2) Il s'agit d'un exposé de 1941 (non de 1943, comme on l'a écrit), publié pour la première fois, sous le titre Vertrauen zur Kirche, dans: A. Delp, ZUT Erde entschlossen. Vortriige und Aufsiitze (Frankfurt a.M., 1949). (Nous devons ces précisions à l'amabilité du R.P. Bleistein, éditeur des Gesam­mette Schriften du P. Delp). Voici ce que déclarait le jésuite allemand: « Le ministère pastoral de l'Eglise, précisément, se trouve souvent pris sous le tir croisé des questions et de la critique. L'Eglise n' a-t-elle pas perdu l'habitude du «Tu ne dois pas» ? L'Eglise n'a-t-elle pas oublié les commandements? A moins qu'elle ne les passe sous silence parce qu'elle est convaincue qu'en les prêchant d'une manière claire et ferme, elle n'aurait aucune chance de succès? L' « imprudence» de saint Jean-Baptiste est-elle morte et l'Eglise a-t-elle oublié l'homme et ses droits fondamentaux? Comment l'Eglise veut-elle sauver le chrétien, si elle abandonne à elle-même la créature destinée à devenir chrétienne? Ce sont là des questions posées par des non-chrétiens, et souvent aussi par des chrétiens. Les énumérer ne signifie nullement qu'elles soient justifiées [souligné par nous]. Mais le fàit qu'elles soient posées doit nous faire réfléchir [...]. »


Ci- après ce que m'à communiqué l'abbé du Faÿ que j'ai interrogé

Abbé du Faÿ le 7/4/05
Ad maiora mala vitanda = pour éviter de plus grands maux : cequi explique l’action du saint Siège. Sur Pie XII, je ne saurais assez
vous recommander l’ouvrage du Père Blet, l’un des meilleurs spécialistes, consulté par Jean Paul II lui-même : « Pie XII et la
Seconde guerre mondiale d’après les archives du Vatican », Paris Perrin, 1997, environs 340 pages. C’est un résumé du magistral ouvrage en
12 volumes, dont le Père Blet est le dernier auteur vivant encore. Il parle de votre lettre à Mgr v. Preysing

Abbé du Faÿ le 17/4/05
J’ai consulté l’ouvrage des éditions St Augustin, sur les actes de Pie XII mais la lettre n’y est pas, l’ouvrage est trop général.  
Elle se trouve en revanche dans l’ouvrage (rare à trouver) des Actes et documents du Saint Siège (volume 2, pp. 318-327 selon une référence trouvée).
Mais si vous recevez l’ouvrage du Père Blet, ce dernier en est un résumé.
En revanche, 
j’ai trouvé dans l’ouvrage de José M. Sanchez, Pius XII and the Holocaust, Washington 2002 dans sa traduction allemande de 2003, edition Schöning, ceci :p. 134 etss.
 (je traduis assez grossièrement)
La question, pourquoi (le pape) ne les a pas encouragé (id est les évêques allemands) à protester contre l’élimination des juifs constitue
le cœur du débat de son silence présumé.
L’évêque de Berlin, Konrad von Preysing, l’avait prié de „ publier un appel au profit des malheureux (id est les juifs)“ 
(lettre du 17 janvier 1943), citée dans Actes et documents, vol. 9, p. 82
(note du traducteur) : ainsi on voit que les évêques allemands réagissaient)
 Pie XII répondit, il chargeait les évêques secrètement, de juger eux-mêmes de la situation. 
A sa réponse à Preysing du 30 avril 1943, Pie XII traite largement des questions liées à l’élimination des juifs , et des rapports avec les gouvernements (…)
après avoir remercié Preysing de sa lettre pastorale, il poursuit :
« Cela nous a consolé d’apprendre que les catholiques, et justement les catholiques de Berlin, ont été avec amour au devant des soi-disant non aryens
dans leur « pressurisation » (Bedrängnis) » et il remercie le prévôt de la cathédrale Bernhard Lichtenberg,
qui en raison de son intervention courageuse pour les juifs a été arrêté (et qui est mort lors de son transport au camp de concentration de Dachau).

Et Pius en arrive au point décisif :
«  Nous laissons aux prélats sur place, de mesurer si et dans quelle mesure le danger de représailles et de moyens de pressions en cas de déclaration épiscopale,
ainsi que des raisons autres causées peut être par la longueur et la psychologie de la guerre, laissent décider comme conseillé,
malgré les raisons d’intervenir qui ont été données, s’il faut « ad maiora mala vitanda » s’en abstenir.
C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons nous mêmes dans nos messages observé des limites »
(je traduis en a peu près et mot à mot).
Suite du livre : 
sur les juifs le pape  écrit aussi que le saint siège a fait caritativement tout ce qui était en son pouvoir, économique et moral,
qu’il a donné en monnaie américaine des sommes importantes pour les immigrants, et (…)
un mot dans son message de noël 1942 « ce fut court, mais ce fut bien compris », et encore «  dans l’état actuel,
nous ne pouvons hélas pas vous fournir d’autres aides efficaces que notre prière ».
 Pie XII était tourmenté par cette décision, comme il l’écrit en mars 1944 au nouvel archevêque de Cologne.
Je pense que vous trouverez dans le livre du P. Blet de plus amples informations.