Note sur le château du Vivier



(courtoisie de M.
Henri LONDES de PAYEN de LAGARDE)
 
 
                       Le château du Vivier a été édifié par M. Cyrille COTTIN, riche soyeux lyonnais associé de la fabrique de soieries « Les Petits Fils de C.J. BONNET », et lui-même petit-fils du fondateur. M. COTTIN désirait créer à proximité de Lyon une maison de famille assez importante pour abriter à la fois pendant les mois de printemps et d’été ses sept enfants, leurs futures familles ainsi qu’une nombreuse domesticité.
 
            L’essentiel du terrain fut acheté en 1879 à la famille JANORAY. Des acquisitions postérieures échelonnées entre 1880 et 1900 contribuèrent à l’arrondir. Ainsi formée, la propriété couvre 7 hectares 86 ares et comprend 3 morceaux principaux contigus :
-         le parc à proprement parler de 5 hectares 46 ares ;
-         la terre du Vivier de 1 hectare 14 ares ;
-         le pré situé devant le portail d’entrée de 94 ares.
A cela s’ajoute un petit bois de chênes situé sur la commune de Dardilly, de 36 ares qui est sans intérêt mais qui a dû être acheté en même temps que d’autres parcelles.
 
            Avant de même de construire le château, M. COTTIN avait fait appel à l’architecte paysagiste LUIZET, d’Ecully – très réputé à cette époque – pour dessiner un parc à l’anglaise autour de sa future demeure. Des mouvements de terrain furent créés à grand renfort de pioches, de pelles et de wagonnets, on planta des bois qui forment maintenant des frondaisons magnifiques, on dessina des  pelouses. Deux jardins potagers, l’un au nord, l’autre au sud de la propriété devaient aider à l’alimentation de la famille. De nombreux arbres fruitiers furent disséminés un peu partout.
            Dans la partie spécialement appelée « le Vivier », séparée du reste du parc par un petit chemin poétique – où personne ne passe jamais et qui a été baptisé pour cette raison sans doute « chemin des deux amants », - un étang a été creusé, soigneusement maçonné et pourvu d’une petite île romantique desservie par 2 ponts. Cet étang, très poissonneux, est vide actuellement, mais il suffirait de fermer les vannes pour le remplir à nouveau.
            Non loin de l’étang, on trouve les traces d’une noria et d’un bélier qui servaient autrefois à alimenter en eau le château et ses dépendances. Les canalisations de Cie Gle des Eaux ont remplacé ces installations devenues de ce fait inutiles.
 
            Monsieur COTTIN désirait non seulement créer une vaste demeure mais la créer assez belle pour rivaliser avec les châteaux des bords de la Loire. De nombreuses études se rapportant à ces châteaux de se retrouvent dans les archives de la maison. Il choisit le style gothique de la bonne époque et confia la direction des travaux à l’architecte CAHUZAC, disciple de VIOLLET le DUC. La construction et l’aménagement durèrent plusieurs années. Le gros œuvre fut terminé en 1882, ainsi qu’en fait foi la date portée sur une cheminée de la façade du midi. Les travaux de décoration intérieure et d’ameublement se prolongèrent jusqu’en août 1884, date où la maison fut inaugurée et la première messe célébrée dans la chapelle.
            L’ensemble des constructions revêt un aspect assez grandiose. Les trois façades sont très différentes quoique d’une unité assez parfaite. Celle de l’est qu’on aperçoit la première en pénétrant dans la propriété présente des lignes très pures soulignant la masse imposante des bâtiments. Celle du midi est agrémentée d’une terrassa couverte. Celle du nord est caractérisée par une superposition de terrasses accostées d’une tour pointue et dominées par un donjon de plus de 30 m. Elle est romantique à souhait et l’on se figure assez bien une belle châtelaine coiffée du hennin penchée sur une des balustrades pour suivre des yeux son chevalier partant pour la guerre ou le tournoi.
            L’intérieur du château est aussi soigné que l’extérieur. Le vestibule d’entrée que domine la chapelle est de vastes proportions. Il donne accès à un escalier monumental de deux mètres de large qui conduit au premier étage. Les autres étages sont desservis par un escalier de bois et aussi par un escalier de pierre qui prend naissance de l’autre côté du château, vers la cuisine.
            Au rez-de-chaussée se trouvent 3 salons dont l’un de plus de 100 m2 de superficie, une immense salle à manger où se trouve une très belle cheminée de pierre sculptée et décorée de toiles peintes évoquant des scènes de la Guerre de Troie, une chambre dite « d’honneur », tendue de belles tentures, avec une cheminée gothique en bois sculpté, une vaste cuisine et une petite salle à manger pour les repas à effectif restreint. Le grand salon, de style Louis XIV, possède des panneaux à personnages en tapisserie d’Aubusson. Le salon du midi contenait un billard actuellement démonté. Tous ces salons sont meublés d’un mobilier assorti au style de la pièce.
            Le premier étage comprend huit chambres toutes desservies par un cabinet de toilette à eau courante, une salle de bain un peu ancienne et une grande lingerie. Deux de ces chambres sont de dimensions très importantes. L’une d’elles, qui contient un lit à baldaquin est richement décorée en style Renaissance. La chapelle s’ouvre à l’extrémité du grand vestibule qui peut lui servir de prolongement. Monsieur COTTIN a fait placer dans cette chapelle des vitraux dont chacun se réfère à un saint dont lui, sa femme ou ses enfants portaient le nom.
            Le deuxième étage possède 10 chambres dont trois disposent d’un cabinet de toilette à eau courante. Ces chambres sont moins grandes que celles du premier mais certaines restent quand même de belles dimensions. Une onzième chambre pourrait sans difficulté être aménagée dans une pièce qui se trouve au dessus de la nef de la chapelle.
            Le troisième étage enfin comprend onze pièces pourvues de fenêtres plus ou moins grandes. Trois seulement servent actuellement de chambre à coucher, mais les autres sont en bon état et ont jadis rempli le même rôle. Enfin le sommet du donjon contient une très grande pièce dont les fenêtres sur trois côtés donnent une vue très étendue sur la campagne environnante.
 
            Chaque étage est desservi par un W.C. à eau courante et le rez-de-chaussée par deux. Ces W.C.  s’évacuent dans deux fosses, actuellement étanche, mais qui pourraient être facilement transformées en fosses septiques par l’adjonction de caisses siphoïdes, placées dans le sol, à l’extérieur du château. Leur écoulement serait alors relié aux canalisations souterraines qui évacuent au loin les eaux des toits, des toilettes et de la cuisine.
 
            L’ensemble de la construction est en excellent état. Les murs sont bâtis pour défier les siècles et la toiture a été soigneusement révisée en 1953.
 
            Les dépendances sont très importantes. Elles contiennent d’anciennes écuries partiellement transformées en garage pour 6 voitures, des remises, une sellerie, une orangerie et de grands greniers à foin. Le logement du jardinier comprend à lui seul huit pièces.
 
            L’électricité a été installée dans le château et les dépendances en 1922, sous la direction d’un ingénieur électricien. Elle parvient directement aux dépendances par ligne aérienne et rejoint ensuite le château par câble souterrain. Ces lignes ont été conçues d’une façon assez large pour supporter sans défaillance des utilisations plus étendues que celles prévues à l’origine, telles que cumulus, réfrigérateur et cuisinière électrique.
 
            M. C. Cottin avait pensé, en élevant cette somptueuse demeure, construire une maison familiale qui survivrait à l’épreuve des générations. Les conditions économiques qui étaient celles de son temps permettaient de la croire. Elles se sont, depuis, considérablement modifiées. Il n’est plus possible à une famille d’entretenir à grand renfort de personnel une maison aussi vaste. Ses dimensions mêmes la condamnent – comme tous les grands châteaux – à devenir la propriété d’une collectivité. Et peut-être l’esprit chrétien et le sens social bien connus du fondateur approuveraient-ils aujourd’hui cette nouvelle destination.
 
 
 
(Note qui a été distribué aux descendants ainsi qu’à la Mutualité du Rhône qui a acheté le château en 1953).