UN JEUNE COLONEL - UN GRAND CHEF" COLONEL de TOURNEMIRE (1946 - 1949)

C'est toujours avec une émotion certaine que j'évoque le souvenir du Colonel de TOURNEMIRE qui .eut la lourde charge de recréer notre 1° RCA (Couleurs "or et azur", Devise "UBIQUE PRIMUS")  lors de notre retour d'occupation en Juillet 1946 et après une dissolution de deux mois au profit du 12° Régiment de Cuirassiers à qui nous avions laissé nos matériels, hormis notre 1 ° Escadron doté de chars légers M 5 qui devait rejoindre CASABLANCA.

Si pour un certain nombre d'entre nous le retour au Maroc consistait surtout à retrouver un cadre de vie connu quelques années auparavant, il n'en demeurait néanmoins que nous étions confrontés sur le plan militaire avec la réalité des choses que représentait l'état de délabrement le plus total de notre armée où du moins ce qu'il en restait au Maroc, sans parler de la vie courante de chaque jour : ordinaire, habillement, logement, etc. réalité qui pour nous tous devenait sujet de démoralisation, lorsque l'arrivée d'un Chef de Corps, jeune, plein de dynamisme, nous redonna un "coup de fouet" nécessaire à la remise en ordre de marche de notre Régiment.

Dès sa prise de commandement, Le Colonel de Tournemire s'attacha à faire connaissance de l'ensemble des personnels Officiers, Sous-Officiers et Hommes du Rang, non pas de la façon en vigueur à cette époque qui se faisait par réception des représentants de chaque catégorie de personnels, mais, par la présentation et entretien avec l'ensemble de ces catégories où chacun pouvait s'adresser au Chef de Corps. Cette attitude fut pour les cadres et plus particulièrement pour les jeunes Officiers et sous-officiers, un réel espoir de voir un changement et une ouverture sur une nouvelle armée, ce que nous étions en droit d'attendre après les dures épreuves de ] 940 et les sacrifices consentis par nos anciens et camarades dans les combats de 1944-1945.

La tâche du Colonel de TOURNEMIRE fut des plus ingrate. La prise de commandement du Régiment pouvait être considérée comme un cadeau empoisonné. Quelle était la situation, en matériel, à notre arrivée à RABAT en Juillet 46 ? . Mis à part le 1° Escadron équipé de M 5 (U.S.) il ne demeurait sur place au Camp Sartiges que des matériels: Half-Track, et Scout-Cars, bien fatigués par plusieurs années d'instruction, situation peu encourageante, mais qu'il nous fallait gérer. Grâce au tempérament de lutteur, je dirais mieux, de fonceur, sachant mieux que quiconque, inculquer à chacun la volonté de participer au renouveau du Régiment, le Colonel de TOURNEMIRE sut rapidement retenir notre confiance totale, par sa présence, ses connaissances humaines et son sens du Commandement. . l, Sportif dans l'âme, il participait pleinement aux entraînements divers, conseillait en connaissance de cause et toujours ouvert aux doléances de chacun, il n'hésitait pas à faire effectuer les modifications nécessaires afin d'assurer au plus juste, la réussite de chacun.

C'est donc dans cet état d'esprit qu'il redonna vie au 1° RCA qui, dès le début 1947, devait se voir doté d'engins blindés légers de reconnaissance du type PANHARD à double pilotage par inverseur et armés d'une pièce de 47 m/m, lui redonnant ainsi les moyens de reprendre sa mission de Protecteur de l'Empire Chérifien, par des tournées de police jusqu'aux confins sahariens..

Hélas, la carrière prometteuse de ce jeune Officier Supérieur devait se terminer d'une façon tragique. A la tête de l'équipe de Motards Régimentaires participant à 1'épreuve d'endurance "Rallye MARRAKECH - ALGER", notre Colonel dû s'arrêter gêné par un troupeau de moutons en débandade dans un nuage de poussière. Il fût heurté par l'arrière par un second motard gêné par cette poussière. Les deux jambes brisées et à demi broyées (en fait "une" jambe), le Colonel passa de longues années, dans les hôpitaux militaires sans pouvoir retrouver l'usage de ses jambes, le condamnant à se déplacer à l'aide de deux cannes. De ce fait il ne put reprendre son commandement qui fut assuré provisoirement par le Lt-Colonel BASTIANI qui en prenait la charge définitive en 1949.

Cet accident stupide plongea le Régiment dans un état d'hébétude, chacun du plus haut grade jusqu'au dernier des hommes de troupe, ayant l'impression d'avoir perdu, qui un frère, qui un père. Oui, le passage du Colonel de TOURNEMIRE à la tête du 1° RCA. a marqué d'une façon indélébile son souvenir, au plus profond de ceux qui ont eu l'insigne honneur de servir sous ses ordres. Il demeure pour nous, après bien des années l'un des grands précurseurs de cette jeune et nouvelle armée.

C.E. (E.R.) A. MOUGENOT M.d.L. Chef à 22 ans (1/1/]948)