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Notes de lectures ... Réflexion sur le duel   (gdt)

L’homme est la seule espèce du règne animal qui soit porté à la vengeance.
Dès leur apparition, les communautés primitives connurent très vite le besoin de mettre un frein, à ce mal qui aurait très vite causé leur disparition compte tenu de la fragilité exceptionnelle de l’espèce … les interdits religieux y pourvurent dès l’origine, d’où découlèrent la création de rites spécifiques et de juridictions auxquelles fut délégué le soin de régler les différents entre les individus ou les groupes. (cf . l’œuvre de René Girard)

Il va sans dire que de tout temps, cette autorité rencontra des difficultés à s’imposer, singulièrement à la partie la plus agressive de la communauté à laquelle cette dernière n’avait pas tardé à déléguer le soin de la défendre.

A la fin du XVI°, sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII, les terribles exigences de l’amour propre des jeune nobles, privés de guerres extérieures, trouvent dans l’escrime et le duel, le moyen de ritualiser leur violence naturelle et leur refus de la peur. La noblesse servant de modèle à  tous ceux qu’aiguillonne l’ambition, ce comportement s’étend à un très large éventail social : du marchand au laboureur enrichi, du clerc à l’aventurier, ce « style de vie » fait école, défendre son « honneur » ne pouvait sans lâcheté se déléguer à une justice longue, procédurière, incertaine, onéreuse et a tout prendre mal adaptée  … le « panache », pour les deux partis, exigeait de risquer son sang.
« Les satisfactions n’apaisent point une âme » (Vers retiré puis réintégré dans « le Cid »)

Le pouvoir royal ne pouvait rester indifférent à des mœurs qui narguaient les instances judiciaires et coûtaient cher en vie humaines, décimant les meilleurs cadres de l’armée.
Henri IV, Louis XIII émirent des ordonnances … firent quelques exemples, sans pour autant se donner réellement les moyens de les faire appliquer … Le Roi graciait les puissants qui, « vivant d’honneur » servaient d’exemples à toute la noblesse elle-même faisant des émules dans les autres couches de la société …  Louis XIV fit vœux le jour de son sacre de ne jamais  gracier un duelliste … Il tint parole  … mais parfois le fit prévenir pour lui permettre de fuir … Les parlements  « requalifiaient » les faits ..  Il ne s’agissait plus de duels (auxquels ne pouvait s’appliquer la grâce royale), mais de « rencontres » (sans préméditation ni accord préalable) … voir de meurtres (auxquels ne s’appliquait pas le vœux du Roi qui alors pouvait gracier les coupables)
L’Eglise, les moralistes, les philosophes et les écrivains développèrent une doctrine solide, propre à convaincre que l’honneur exigeait de  refuser un combat qu’interdisait Dieu et le Prince  … mais ces raisonnements restaient inaccessibles à ceux qu’elle eut voulu convertir 

Le pouvoir royal ne pouvait rester indifférent à des mœurs qui narguaient les instances judiciaires et coûtaient cher en vie humaines, décimant les meilleurs cadres de l’armée.
Henri IV, Louis XIII émirent des ordonnances … firent quelques exemples, sans pour autant se donner réellement les moyens de les faire appliquer … Le Roi graciait les puissants qui, « vivant d’honneur » servaient d’exemples à toute la noblesse elle-même faisant des émules dans les autres couches de la société …  Louis XIV fit vœux le jour de son sacre de ne jamais  gracier un duelliste … Il tint parole  … mais parfois le fit prévenir pour lui permettre de fuir … Les parlements  « requalifiaient » les faits ..  Il ne s’agissait plus de duels (auxquels ne pouvait s’appliquer la grâce royale), mais de « rencontres » (sans préméditation ni accord préalable) … voir de meurtres (auxquels ne s’appliquait pas le vœux du Roi qui alors pouvait gracier les coupables)
L’Eglise, les moralistes, les philosophes et les écrivains développèrent une doctrine solide, propre à convaincre que l’honneur exigeait de  refuser un combat qu’interdisait Dieu et le Prince  … mais ces raisonnements restaient inaccessibles à ceux qu’elle eut voulu convertir

Revenons à des extraits du livre de Micheline Cuénin

Au XVIII°  dans certains régiments, on ne souffrait pas d’officiers qui n’eussent justifié d'un certain nombre d'affaires d'honneur. Il était parfois d'usage d'essayer la valeur des nouveaux venus en leur faisant mettre l'épée à la main; ceux qu'on chargeait de cet office s'appelaient les « tâteurs ». Ainsi l'évolution constatée dans la vie civile n'apparaît pas, bien.
au contraire, dans la vie militaire. Les coutumes se durciront encore au siècle suivant, jusqu'à ce que le général Freycinet, en 1888, interdise les duels obligatoires.

La Constituante, en abolissant tous les édits d'Ancien Régime, comprit dans cette mesure ceux qui interdisaient le duel. Fut aussi supprimé, avec tous les tribunaux d'exception, celui du point d'honneur. Ainsi disparaissaient sans être remplacés, tous les systèmes répressifs et préventifs.
Dans ces conditions, les duels purent se donner libre cours. Ils le firent d'autant plus aisément que la nouvelle vie parlementaire créa un type nouveau d'insulte publique. Faute d'autre moyen, ces insultes se réparèrent par armes...... Vainement, Barnave demanda le vote d'une loi pour punir insultes et provocations, mais ne voyant rien venir, il sacrifia lui-même à l'usage, et se battit au pistolet avec Cazalès. On pouvait espérer des dispositions répressives dans le Code pénal de 1791, mais fidèles à la méthode de l'Encyclopédie, ses rédacteurs observèrent le silence sur un abus qu'on avait décidé disparu avec la noblesse: il était pourtant visible que, depuis quelques années, il gagnait la bourgeoisie. Contre les délinquants, on intentait des procès ordinaires, et l'on mettait en prison. Jusqu'au jour où l'on décréta la patrie en danger. Il fallut bien alors ouvrir les geôles, en prononçant, et pour les mêmes raisons, le même type d'amnistie qu'au temps du Cid. On déclara «éteints et abolis» tous procès et jugements contre des citoyens sous prétexte de provocation au duel. La seule différence, c'est qu'on ne mentionna pas le point d'honneur comme mobile, mais "l'irréflexion". Aussi pouvait-on mettre fin à une détention qui enlevait « à la société des hommes qui pourraient lui être utiles et que l'indulgence nationale (avait) le droit de rappeler ».

La politique de mutisme au sujet du duel se poursuivit lors de l'élaboration du Code des délits et peines de l'an IV.
Cependant la pratique du duel s'étendait et gagnait, par le biais de la conscription nationale, le simple citoyen. Intégré dans les corps de l'armée, qui, malgré l'émigration des cadres, avait gardé toutes ses traditions, le nouveau venu en épousait les usages, non sans fierté. Un Ney, un Augereau, un Kléber, enseignèrent aux recrues les bons  réflexes, et durent bientôt une partie de leur prestige à leurs combats sous Louis XVI.
Bien que Napoléon n'appréciât pas les duellistes de profession, « faibles dans l'occasion» (la constatation est vieille de trois siècles), il fallait bien les tolérer; ainsi faisaient les rois. Le premier consul ne marquait de mécontentement que lorsque les combats s'approchaient de sa personne, comme Louis XIII. Ainsi priva-t-il de son emploi pendant assez longtemps le général Reynier qui, vidant une querelle au pistolet avec d'Estaing, en 1802, tua son adversaire d'une balle en pleine poitrine. Il n'empêche que le Code pénal de 1810, œuvre législative importante, observe sur la question le silence accoutumé.

La Restauration
, qui a inventé les demi-soldes, verra se multiplier les duels militaires entre vétérans aigris et nouveaux  officiers. La police militaire ne put empêcher la mort du comte de Saint-Morris, lieutenant aux gardes, tué par le colonel Barbier-Dufay; celle de Beaupoil de Saint-Aulaire, auteur d'une insultante Oraison funèbre du duc de Feltre, qui avait été provoqué par le fils du.duc, puis par son cousin. Gourgaud se battît contre le comte de Ségur après une polémique au sujet de la campagne de Russie. Devant cette recrudescence de violence, les cours royales, gardant en mémoire l'esprit de l'Ancien Régime, menacèrent, surtout à partir de 1818, d'exécutions capitales. Les poursuites se firent plus nombreuses, mais sans effet, car tous les jugements étaient cassés par la cour de Cassation qui, invariablement, exploitait l.e silence des textès dans un sens favorable à l'accusé; d'où, pendant près deqÎx ans, nombre d'acquittements automatiques.
L'impunité assurée étendit le mal. On régla les querelles littéraires les armes à la main. Le jeune Lamartine dut se battre contre le colonel italien Pepa pour deux vers offensants, ou jugés tels, des Méditations. Alexandre Dumas défendra de la même façon la paternité de La Tour de Nesles contre Gaillardet. Saint-Marcellin, jeune littérateur d'avenir, sera tué par son ami Fayau. En 1829, le Classique et le Romantique s'affrontent au bois de Boulogne dans un duel à outrance que les témoins arrêtent à temps.
Puisque la cour de Cassation bloque toute sanction, des députés de toute tendance déposent tour à tour des projets de loi: ils sont régulièrement repoussés par l'une de5 deux Chambres.

La période qu'ouvre la Révolution de 1830 est d'une grande importance. Le rétablissement de la liberté de presse ajoutera aux mouvements particuliers les actions nées des solidarités collectives, lorsqu'un événement politique dressera les uns contre les autres les partis opposés, par l'intermédiaire de leurs organes de presse. Le paroxysme fut atteint en novembre 1832 par l'arrestation de. la duchesse de Berry. C'est à cette date que commence pour Armand Carrel, rédacteur en chef du National, une carrière de duelliste tragiquement célèbre. Dès l'arrestation de la duchesse, les défis se multiplièrent. On vit même une délégation du Revenant, légitimiste, venir proposer à ses confrères de La Tribune un combat collectif, dans le plus pur style médiéval, où St; trouveraient face à face des champions de chaque parti. Il n'est pas de journal qui ne reçût alors de cartel. A mœurs nouvelles, faute d'éducation à la vie démocratique, comportements anciens. Même les adversaires de cet « anachronisme barbare », telle rédacteur en chef de La Quotidienne, cèdent à la pression collective. Seule La Gazette de France, journal quasi officiel, refuse d'entrer en lice.
L'épidémie de violence gagne vite la province. Les arrestations n'empêchent guère qu'on ne se batte à Caen, Lyon, Marseille, Bordeaux. Bien évidemment, les députés ne sont pas à la traîne, et leurs combats ont les honneurs des feuilles locales ou parisiennes. Les bons escrimeurs étant rares, on se bat de plus en plus dangereusement, au pistolet. Le 31 janvier 1834, plusieurs combats de ce type ont lieu côte à côte au bois de Boulogne; dans l'un d'eux, le général Bugeaud tue M. Dulong, avocat et député de l'Eure. Les élections d'Agen, Marseille, entraînent des duels mortels. Le mal gagne aussi le barreau. Un avocat, devant plus de cent personnes, dut soutenir son plaidoyer les armes à la main, raconte le Journal des Débats. De paisibles commerçants sacrifient alors à cette « dévorante idole» : deux marchands de la rue Saint-Denis, l'un de soieries, l'autre de bois, s'affrontent sans merci. Un entrepreneur de bains publics de Paris provoque un faïencier à propos d'un poêle défectueux. En 1834 toujours, la fièvre des duels s'empare d'un marchand drapier de Douai qui appelle, à l'épée, un chaudronnier de Cambrai. Les malheureux, dans leur inexpérience, se firent d'horribles blessures, dont le marchand mourut aussitôt. Plus grave encore, de hauts fonctionnaires chargés du maintien de l'ordre, à l'instar des parlementaires gagnés au duel à la fin du règne de Louis XIV, descendent dans l'arène. Le préfet de Paris se bat contre Gérard, gérant du Courrier Français, qui est assisté par A. Carrel. Le sous-préfet de Bergerac fait de même en 1833, celui de L'Argentière en 1834 : ce dernier a pour adversaire le substitut du procureur! Fougeroux de Campigneules, que cette montée de violence a déterminé à prendre la plume, n'a qu'à dépouiller les journaux pour remplir des pages de pareils faits divers. On voit même, en Dordogne, une provocation entre frères, ce qui nous ramène au temps de Louis XIII. Le plus inquiétant, c'est que tous les procès se terminent par des acquittements.
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Les citoyens finissent cependant par s'alarmer. Des pétitions sont adressées à la chambre des Députés, dont certaines émanent des milieux protestants du Languedoc. .....
Appuyé par quelques amis, dont le général Exelmans, le comte de Châteauvillars osa promulguer un code du duel, code illégal évidemment, mais l'urgence l'emportait sur toute autre considération. Il aurait au moins l'avantage d'empêcher ces combats sauvages, véritables assassinats, qui, perpétrés par des novices de l'épée, transformaient le duel en boucherie. .............
Comme au XVIIe siècle, le pouvoir fut sourd à cette demande. En revanche, .il produisit pour la première fois un acte législatif, au grand soulagement des citoyens. Profitant du pouvoir qui lui était enfin donné d'imposer par un second arrêt son interprétation de la loi, la cour de Cassation changea de cap, et au début de 1837, décida que le fait de la convention passée entre les parties ne pouvait être considéré comme excuse légitime. Elle déclara compétents, pour .les cas de blessures, les tribunaux correctionnels, et les cours d'assises pour les homicides.
Le nombre des morts en duel diminua de moitié (il tomba à six par an) dans les années qui suivirent cet important arrêt. Doit-on imputer ce résultat à la cour, comme font les juristes du XIXe siècle, ou au code de Châteauvillars ?
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Durant le Second Empire, où les duels réels ne furent certainement pas très nombreux, on vit naître les romans de cape et d'épée: Le Bossu de Féval (1858), Le capitaine Fracasse de Gautier (époque Louis XIII, force combats), Les Pardaillan de Zévaco. Sur cette lancée, Edmond Rostand réglera sur scène un magnifique duel poétique dans Cyrano de Bergerac. L'habileté à l'épée est devenue, dans les fictions, l'attribut indispensable du héros dont le panache rallie tous les suffrages.
Les séquelles de la défaite de 1870 et le retour à la vie parlementaire ramenèrent le duel des livres dans la réalité. Dans un climat de dépit national, deux France, comme en 1815, se trouvent face à face, et de nouveau les journaux publient annonces de duels et comptes rendus de combats.

L'un d'eux oppose, le 3 décembre 1877, M. de la Rochette, député de la Vendée, et M. Laizant, qui avait pour témoin le docteur Georges Clemenceau, député de Paris. Les deux adversaires étaient francs-maçons. On sait comment l'émotion provoquée par ce duel occasionna un retour aux positions philosophiques du siècle précédent, à l'intérieur des loges. M. Le Blanc retrouva les accents de Rousseau, largement cité, pour s'emporter contre « cet honneur formaliste et spécial, si facile à atteindre et qui, une fois blessé, ne se guérit qu'avec du sang». Son indignation était d'autant plus vive que Le Figaro du 4 décembre avait fait à cette affaire une publicité complaisante.
Nous approchons des temps où l'armée, avec le boulangisme et l'affaire Dreyfus, communiquera à tant de Français sa conception fermée de l'honneur. Il fallut attendre la disgrâce du général Boulanger pour que fussent abolis dans l'armée les duels obligatoires (8 juillet 1888).
Le duel continua à être autorisé, mais au fleuret, moins dangereux que l'épée. Suivant ce nouveau courant, des députés songèrent à déposer à la Chambre une proposition de loi pour rétablir le tribunal d'honneur, mais elle ne fut pas retenue. On continua donc de se battre; un Nouveau code du duel (1879) réédité en 1887, succéda à celui de Châteauvillars, sans aucune crainte de paraître subversif. Si l'on peut connaître, en dépouillant les journaux, le nombre des duels civils, l'armée ne publie pas ses chiffres. G. Tarde, s appuyant sur l'Annuaire du duel de Ferreus indique, de 1875 à 1890, 422 combats civils, dont 12 mortels et 12 avec blessures graves. Mais la période au cours de laquelle le duel parut passionner le plus l'opinion et se pratiquer avec le plus d'entrain est celle comprise entre 1894 et 1914, soit les vingt années qui suivirent l'affaire Dreyfus : le catalogue de la Bibliothèque nationale n'offre pas moins d'une centaine de titres: relations de duels mortels, contemporains ou anciens, ouvrages polémiques pour ou contre le duel, études sur le duel judiciaire, équipements de combats (chemises spéciales), manuels pratiques, propositions de lois, études juridiques et historiques, iconographie, les gravures étant, autrefois, interdites. En 1906, Vincent d'Indy régla encore par un duel le différend qui l'opposait au librettiste Jules Bois.
L'engouement dont le duel faisait l'objet en France s'étendait aussi en Europe centrale. Passé dans les traditions de l'armée et des universités, il revêtait souvent la forme de défis collectifs entraînant des combats nécessaires. Ces duels académiques firent l'objet, de la part de la Sacrée Congrégation du concile, d'une condamnation en date du 9 août 1890. Mais le pape Léon XIII prit l'initiative de sortir du domaine répressif et d'adresser une lettre personnelle sur le sujet, le 12 septembre 1891, aux évêques d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Le texte en est tout à fait remarquable en ce sens qu'il intègre tout l'acquis des moralistes laïcs des siècles précédents, et que son réquisitoire contre l'honneur, responsable de tous ces combats, correspond à tous les raisonnements de la propagande philosophique, voire à ceux de la doctrine maçonnique. En effet, le pape n'a pas à situer le problème sur le plan théologique, le duel ayant été, dès avant le concile de Trente, assimilé au droit commun: le motif d' honneur n'avait été retenu par la Théologie morale d'Alphonse de Ligori que dans le cas d'une femme en danger d'être violée, ou d'un mari qui tue le séducteur pour l'empêcher de commettre l'adultère. Aussi l'épître papale s'en prend-elle avec une rare et persistante vigueur à l'emprise irrationnelle du préjugé, le vrai courage consistant à s'élever au-dessus de l'opinion.
Cette tentative originale n'eut pas plus d'effet que les condamnations antérieures. Aussi le successeur, Pie IX, préféra-t-il revenir à l'arme de l'excommunication en l'étendant expressément, sous sa forme majeure, à tous ceux qui, directement ou indirectement, favorisaient la pratique et l'usage du duel, c'est-à-dire ceux auxquels les règlements respectés de Châteauvillars avaient dévolu un rôle déterminant: amis, médecins, confesseurs, sans égard pour l'indulgence d'Alphonse de Ligori qui excusaient les témoins venus sur le champ pour transformer un duel à mort en un moindre mal : le duel « au premier sang». Les confesseurs ne sont autorisés que si leur présence est ignorée de tous.
De telles mesures signalent plutôt l'extension du mal qu'elles ne peuvent l'enrayer. C'est d'ailleurs que viendra l'allègement, sous la forme d'un cataclysme qui pulvérisera les anciens comportements.
L'immense boucherie de la Grande Guerre va modifier toutes les données du problème. Contrairement aux soldats de l'An II, que la guerre étrangère faisait accéder àune épopée dont ils n'auraient pu rêver être les acteurs quelques années plus tôt, les millions de Français qu'on.arracha à leurs foyers ne sentirent dans cette aventure nulle promotion, nulle exaltation, du moins après un certain temps. Ecrasés par des armes puissantes, chair à canons misérable, ils tueront mécaniquement, par devoir, héros malgré eux. Pris dans un raz de marée de violence, sous cet empire de la mort involontaire, le duel parut, à la fin de cette vaste tragédie, ressortir à un autre âge: on  avait la nausée du sang. Il se maintint cependant, quoiqu'avec discrétion, comme en témoigne un nouveau manuel paru en 1920.
Ceux qui le pratiquent encore aujourd'hui sont en général des hommes politiques qui s'inscrivent volontiers dans la tradition parlementaire jacobine (on songe à M. Gaston Defferre). Mais la tradition littéraire n'est pas morte, et Le Cid hante toujours les esprits. Quand André Roussin fait, avec succès, représenter La claque (1972), il n'a pas beaucoup à imaginer pour adapter la situation de Corneille à des personnages modernes, compositeur de musique et critique dont les enfants jouent avec humour les Rodrigue et Chimène. Nulle satire ici : de la tendresse.

Annecdote (Courtoisie de Bertrand De Meester)
n° 19 du Crapouillot (1952)  : "Le marquis de Rivarolles, une jambe emportée au siège d'une ville et provoqué en duel par M. de Madaillan lui délégua son chirurgien avec ordre de lui couper une jambe pour égaliser les chances au combat", citation paraît-il de Person de Champoly: "Le savoir-vivre au bon vieux temps".