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Histoire de notre blason, Branche Tournemire à La Hunaudaye

Notes de L'Oncle Guillaume

M. J.B. Bouillet (T. 6 p. 367 du Nobiliaire d'Auvergne (1852), cite pour la contester, une opinion qui avait cours en Haute-Auvergne au moment où il publiait son ouvrage, opinion d'après laquelle il y aurait eu, très anciennement, à Tournemire deux races différentes de seigneurs du même nom.

Pour étayer la position négative qu'il adoptait ainsi, M. Bouillet se bornait en somme à faire ressortir que les documents produits par la Maison de Tournemire lors des recherches de 1666 ne faisaient aucune allusion à la possibilité d'une ancienne dualité de races. Du moment qu'il entreprenait de traiter cette question et qu'il prenait à son sujet si nettement position, M. l3ouillet aurait dû considérer que les preuves de 1666 avaient un but restreint, le but de certifier l'ascendance noble des actuels représentants du nom i lesquels, d'ailleurs, cadets sans fortune et sans grande culture, n'avaient ni les moyens, ni même le souci de rechercher les origines lointaines de leur famille. Il aurait dû, au moins, se demander et essayer de se rendre compte pourquoi - dès le Xll°· siècle - les armoiries qu'il connaissait bien des Tournemire étaient si manifestement différentes, un groupe d'entre eux portant la Tour tandis qu'une branche seule portait le Coticé.

M. Bouillet ne s'est pas arrêté à rechercher la cause de ces armoiries différentes. Insuffisamment renseigné, il s'est engagé aveuglément dans l'arbitraire et il s'y est fourvoyé. Nous allons substituer à sa façon d'exposer les Origines « Tournemire » une solution qui, tenant compte des données que nous possédons, faisant aussi une certaine part à l'hypothèse, se présentera, nous l'espérons, comme assez vraisemblable.

A une époque largement antérieure à l'an mil, d'après nos vieilles chroniques limousines, la châtellenie dont Tournemire pouvait être le centre a dû être possédée par une famille noble qui portait sur son écu une Tour. Dans les titres anciens de nos régions toute construction défensive d'importance modérée pouvait être appelée « Torna ». Partageant une opinion assez répandue, nous avons longtemps admis que le mot roman « Tornamira » était formé de deux mots, un substantif « Torna » et un adjectif « Mira », et que le sens initial du terme ainsi constitué avait dû être : « construction défensive importante".

Le savant M. A. Thomas, que nous avons eu l'honneur de rencontrer quelquefois, voulut bien un jour nous donner son opinion sur l'étymologie de Tournemire. Il n'acceptait pas la solution facile que nous avons ci-dessus exposée ; il voyait dans « Tornamira » la réunion de deux verbes ; tornar et mirar, dont l'assemblage devait se traduire : se tourner et voir, ce qui tendrait à définir Tournemire comme un point favorable pour la surveillance dans plusieurs directions. Il nous semble maintenant évident que la leçon érudite de M. A. Thomas est, de beaucoup, préférable à la solution aisée que nous avions d'abord accepté.

A cette première maison des Tornamira à la Tour, quelques années avant l'an mil, dur venir se juxtaposer une autre race qui, pour certaines raisons qui vont suivre, serait peut-être issue des comtes d'Auvergne, comtes de Clermont et de Montferrand :

1· M. Lacabane, ancien directeur de l'Ecole des Chartes, auteur d'une très importante collection de documents et de notes conservés aux Archives départementales du Lot, a relevé sur une généalogie des Hébrard de Saint-Sulpice écrite en 1582 de la propre main de Guyon de Maleville, historien du Quercy, à propos du mariage, en 1299, de Bertrand d'Hébrard avec Sobeyrane, fille de Guillaume de Tournemire (coticé), que les « ascendants paternels de ladite Sobeyrane étaient issus de 1"illustre maison des comtes d'Auvergne ».

2· Le président de Vernyes a écrit dans son « Mémoire sur l'Auvergne au temps de la Ligue » que la maison de Tournemire avait possédé la ville de ntferrand. Il est vrai que le président de Vernyes a ajouté une assertion sûrement erronée au sujet du retour de Montferrand à la Couronne de France. Il n'est pas impossible que le propos du président contienne à la fois une part d'erreur dans l'accessoire et dans l'essentiel une part de vérité, d'après laquelle dans un temps très ancien certains cadets de la maison Comtale auraient eu quelques droits sur la ville de Montferrand avant d'essaimer en Haute - Auvergne.

3· Nous avons constaté l'existence aux archives du château de Sédages, d'une lettre de Béraud, dauphin d'Auvergne, portant la suscription suivante : « A mon très cher et bien amé cousin, le seigneur de Tournemire » et destinée à Bertrand de Tournemire, fils de Jean. - Nous avons été autorisé à faire photographier ce précieux document. - Montferrand a appartenu aux dauphins d'Auvergne qui hommageaient aux évêques de Clermont pour Montferrand.

4· Nous avons relevé aux archives du Vatican (Reg. Avin, n· 54 f· 219) un indult accordé le 7 avril 1340 à Valburge de Tournemire, résidant au diocèse de Clermont, veuve de Rigaud de Beaujeu. Cette alliance Beaujeu-Tournemire donne la preuve des relations encore existantes au XIV° siècle entre ces deux maisons, malgré la distance qui les séparait. Les Beaujeu ont été longtemps et étaient encore peu avant cette date seigneurs de Montferrand.

5· Nous savons que deux branches de Tournemire, proches parentes entre elles, portant l'une le Coticé, l'autre un Ecartelé, hommageaient l'une et l'autre ux évêques de Clermont pour des fiefs situés dans la châtellenie de Tournemire. Il semble qu'un lien subsistait donc qui les unissait aux dauphins, le lien de leur commune vassalité aux évêques. L'ensemble des considérations ci-dessus renforce suffisamment ce que nous a dit Guyon de Maleville pour que nous lui accordions quelque créance. D'autres textes, en outre, dont nous avons connaissance nous permettent d'envisager comme assez vraisemblable l'hypothèse suivante :

Un cadet de la maison d'Auvergne, en possession de droits sur Montferrand, se serait allié à une fille des Tournemire à la Tour ; il serait venu s'établir en ce Château-Vieux de Bezaudun dont nous reparlerons plus loin. Son fils ou son petit-fils serait ce Rigaud dont il est parlé à la Charte n· 533 du cartulaire de Tulle « don fait en loi 0 par Agnès, en présence «Rigaidi, fratris sui de Tornamira». Ce Rigaud, vers ce même temps, aurait épousé (cart. de Tulle, ch. 266) Adelgarde, fille de Donarel Vectoria, seul descendant mâle pourvu de postérité d'Adhémar de Turenne, vicomte des Echelles, comte en partie de Quercy. Adhémar dans les dernières années de sa vie, avait été le reconstructeur, le protecteur et le bienfaiteur insigne du monastère de Saint-Martin de Tulle. Le prestige du vicomte et la part importante de ses richesses qu'il dut laisser à ce fils provenu d'une liaison adultérine et particulièrement cher, désignaient Donarel au choix des moines pour être à son tour leur protecteur. L'ayant donc élu, les moines le mirent à leur tête pour le conduire en grande pompe au château de Montceau où il devait faire sa résidence. Les moines espéraient sans doute trouver en lui un protecteur obéissant. Donarel se souvenait probablement des manières un peu despotiques de son père ; ou bien, simplement, avait-il mauvais caractère, toujours est-il qu'il profita de la nuit pour s'évader du campement et pour fausser compagnie à sa brillante escorte. Les moines ne lui pardonnèrent pas cette fugue qu'ils jugeaient incompréhensible. Ils nous ont laissé de Donarel un portrait peu flatteur, vraisemblablement chargé de toute leur indignation et de leur ressentiment. (cart. de Tulle ch. n· 290).

Donarel, bien que de naissance irrégulière, se trouva à la mort de son père, l'unique représentant qualifié du sang de Turenne. L'usage était alors et il s'est conservé longtemps - que les bâtards devaient porter les armes de la maison paternelle avec une simple brisure. Les Turenne de la première race portaient, dit-on, un coticé d'or et de gueule. Nous sommes tentés d'admettre que Donarel ait reçu de son père l'écu de Turenne modifié en un coticé d'or et de sable.

L'identité des Tournemire d'Auvergne et des Tournemire si fréquemment cités dans les cartulaires limousins est démontrée par des rapprochements faciles et, mieux encore, par des actes de cartulaire de Boussac publiés aux « Documents historiques du Limousin » de M. Clément Simon T. Il. "

Voyons d'un autre côté quelles pouvaient être les Armoiries de Rigaud 1°· de Tournemire : un sceau de 1284 (Arch, nat. J. 272, n· 83) va nous renseigner. Ce sceau a été apposé par Guillaume de Tournemire, chevalier, sur un aveu qu'il rend au Roi ; il est parfaitement lisible ; on y voit le fond d'or, les bandes de sable, la bordure besantée et le franc-quartier d'hermine, maintes fois retrouvés sur des sceaux plus récents. Pour des raisons que nous exposerons un peu plus loin, nous sommes bien assurés que la bordure et le franc-quartier ne figuraient pas sur l'écu de Rigaud, deux cents ans plus tôt, c'est-à-dire avant la première Croisade et avant l'expédition qui conduisit un Tournemire en Bretagne. Cet écu devait donc comporter seulement des andes alternées d'or et de sable, comme le coticé de Donarel, avec cependant une légère différence : au lieu de bandes multiples, sur l'écu de Rigaud on ne comptait que six bandes, trois d'or et trois de sable ; ce n'était plus tout-à-fait un coticé.

Cependant, une tradition s'est maintenue dans notre famille d'après laquelle cette branche des « Tornamira », qui avait pour chef Rigaud 1°·, aurait de tout temps porté un coticé, Nous respecterons cette tradition, estimant qu'elle n'est pas sans quelque apparence de raison, considérant en outre qu'elle nous donne une facilité appréciable pour désigner commodément la blanche au coticé.

Le coticé est donc la partie la plus ancienne de l'écu des Tournemire, de ceux qui, encore possessionnés au XIV° siècle dans le voisinage de Tulle, appartenaient à la descendance en ligne directe de ce Rigaud dont nous venons de parler.

Au coticé vinrent s'adjoindre les besants en bordure auxquels nous croyons pouvoir attribuer une origine certaine. En sa charte n· 465, le cartulaire de Tulle nous parle d'un Pierre de Tournemire, petit-fils de Rigaud, qui prépare son départ pour la Terre Sainte. M. R. Grand jp. 45 ) a montré d'après les documents limousins la part prise aux Croisades par les Tournemire. Par ailleurs une lettre adressée le 19 avril 1704 à Massillon par Dom Claude Béral, oine bénédictin (Bib, nle. fonds latin n· 12663 f· 74) prétend qu'un Rigaud de Tournemire, au temps d'Urbain II, c'est-à-dire avant 1029, a pris la Croix et est parti pour Jérusalem, qu'une relation détaillée de son voyage a été écrite par un moine d'Aurillac qui l'accompagnait, que Rigaud est revenu porteur d'une épine de la Couronne de N.-S. Jésus-Christ, qu'il déposa cette épine en l'église de Tournemire où elle se trouve encore.

La relation de ce moine d'Aurillac est très malheureusement perdue. Les événements du voyage et les hauts faits du chef auquel il s'était attaché en qualité de chapelain devraient tenir une large place dans le récit du moine. Il y avait donc, à peu d'intervalle, au moins deux membres de la famille de Tournemire qui étaient allés guerroyer en Palestine. D'autres de même nom sont cités, comme s'étant, eux aussi, croisés quelques années plus tard. L'empressement manifesté par tous ces Tournemire pour la défense des Lieux Saints et le souvenir, perpétué par le récit du moine d'Aurillac, de l'épopée vécue sur le long hemin et au cours de rudes journées de privations et de combats a dû se traduire selon l'usage par l'adjonction de besants sur la bordure du coticé. L'écu des plus qualifiés de ces Tournemire dès le milieu du XII° siècle devait être, en souvenir d'Adhémar de Turenne et des Croisades : un coticé d'or et de sable à ta bordure besantée.

Mais les armoiries de ces Tournemire dont nous aurons à suivre à grands pas l'histoire, ne comportaient pas seulement le coticé et les besants en bordure ; il s'y trouvait de plus et très bien marqué sur les sceaux les plus anciens, un franc quartier d'hermine dont nous devons expliquer la présence.

La maison de Toumemine de la Hunaudaye, en Penthièvre, éteinte depuis 1709, paraît-il, a tenu de tous temps en Bretagne un rang non seulement honorable mais souvent brillant ; son nom a été repris et est actuellement porté par une famille Le Noir, ancienne et distinguée, qui en 1618, hérita d'un petit fief appelé : Toumemine, en Plérin, jadis possédé par un rameau de la Hunaudaye.

« L'origine des Tournemine de Bretagne a été établie, dit M. A. de Barthélémy (Généalogies historiques, dans la Revue historique, nobiliaire et biographique de 1872) pour ce qui concerne les premiers degrés, de la façon la plus fabuleuse. Les généalogistes, le père Dupas en tête, se sont évertués à cherche pour cette maison une origine royale et des alliances imaginaires dont elle n'avait aucun besoin pour son illustration. »

Nous croyons avec M. de Barthélémy que la légende s'est emparée d'un fait historique et qu'elle l'a dénaturé. Le fait qui paraît historique c'est l'envoi, vers 1155, d'une troupe sous la conduite d'un certain Tournemine, par Henri II d'Angleterre au secours du duc Conan de Bretagne, attaqué par ses vassaux. D'après la légende le chef de cette troupe aurait été un frère ou un neveu, surnommé Tournemine, du roi Henri II Plantagenet, et le duc aurait prouvé à Toumemine sa gratitude en lui faisant épouser sa fille ou sa soeur, Constance de Bretagne. M. de Barthélémy voit dans cette légende un pur roman historique; Henri II n'a pas eu de frère surnommé Tournemine et la princesse Constance n'a pas épousé Toumemine. Mais Tournemine est cité sur d'indiscutables documents bretons en 1159. Quel est donc et d'où venait ce Tournemine ? Nous le revendiquons, il venait d'Auvergne ! Nous allons en donner la preuve (... un complément de recherches serait le bienvenu ..note de gdt clik !) .

Remarquons tout d'abord que le passage de la langue d'Oc en langue d'ail suffirait à expliquer la déformation du nom Tornamira en Tornamina. Le nobiliaire d'Auvergne, bien qu'opposé à la communauté d'origine des Tournemire d'Auvergne et des Tournemine bretons, reconnaît que la forme Tornamina se rencontre sur de vieux titres de chez nous ; nous l'avons constaté nous-mêmes, certains documents d'Auvergne du XII° siècle portent Tornamina et Tornaminna. Ce qui revient à dire que lors de leur retour de Bretagne les Tournemire rentraient dans leur pays d'origine avec leur nom modifié - momentanément. Plusieurs généalogistes, Audigier, Moréri, La Chesnaye des Bois, ont connu et accepté la communauté d'origine des Auvergnats et des Bretons ;la tradition s'en était conservée aux XVP et XVII~ siècles chez les seigneurs de Tournemire, les La Roque, les Pestels, les Caissac, et les Béral de Sédages, héritiers et successeurs des Tournemire du Coticé qui, parlant de l'ancienneté de cette maison, disaient :

« Les Tournemire, nos prédécesseurs, étaient autrefois comme de petits souverains en Bretagne »

. Nous avons retrouvé ce propos reproduit en plusieurs dossiers de procès aux archives du château de Sédages. La même tradition se retrouve marquée dans une lettre que nous avons vue aux archives du président Vacher de Toumemine, à Scorailles. Dans cette lettre adressée le 18 juin 1641 par Gédéon de Tournemine, authentique breton, seigneur de la Léotarderie, en la baronnie de Blanzac, en Angoumois, à Mademoiselle de Bezaudun, à Bezaudun, près Aurillac, il est parlé des armoiries identiques dans les deux familles, l'écartelé d'or et d'azur. Voici comment s'exprime Gédéon :

« Au Hault Pays d'Auvergne, y a un fort ancien château avec une petite ville qu'on appelle Tournemire, qui de tout temps ont este possédés, à ce qu'on dit, de gentilshommes qui signaient : « Tournemire» et portent pareilles armes que les Tournemine de Bretagne qui sont un escartellé d'or et d'azur, de sorte qu'il y a apparence que ce soit plus test d'Auvergne que d'Angleterre qu'ilz soient descendus ».

M. l'abbé J-B- Bouillet qui prend seul, mais très vivement, position contre l'origine commune n'a pas connu l'existence à Tournemire de la branche à l'écartelé qui a importé en Auvergne, l'écu des Bretons. Et cependant il y a aux Archives nationales un document sur parchemin il. 1024 n° 16), aveu au roi en 1284 de « dominus Guillelmus Tornamira minor, miles, filius quondam domini Petri Tornamira, militis », scellé sur cire jaune d'un écartelé d'or et d'azur très nettement lisible, pour ce qu'il tient à Tournemire et clans les paroisses voisines. Il y a aux archives du château de Sédages plusieurs autres documents originaux scellés de même d'un écartelé certain par des descendants du même chevalier « Guillelmus Tornamira minor» de 1284.

La principale objection qu'oppose M. Bouillet à notre manière de voir consiste en ceci que les Tournemire existants en Auvergne près de deux cents ans avant qu'il fut question des Tournemine en Bretagne, il ne serait pas possible que des Bretons fussent très anciennement venus s'établir en Auvergne. Il nous paraîtrait absurde, en effet, de soutenir que des Bretons du nom de Tournemine aient eu l'idée de s'expatrier pour venir fonder une colonie en un coin perdu du centre de la France où ils auraient été attirés par la seule similitude des noms. Nous disons, simplement, qu'un auvergnat est allé en Bretagne, en expédition de guerre, au service de son suzerain, le roi d'Angleterre, et qu'il en est revenu. Ce qui est singulièrement différent.

L'opposition de M. Bouillet venait aussi de ce qu'il avait adopté pour l'origine des Tournemine de Bretagne leur parenté avec la maison royale d'Angleterre, parenté dont M. A. de Barthélémy a démontré qu'elle était purement fabuleuse. Il se laissait également influencer à ce propos par M. de Sartiges d'Angle, un auvergnat de la montagne cependant, qui aurait pu mieux connaître le passé de sa petite patrie tandis que clans son article sur « Tournemire » du Dictionnaire historique du Cantal (T. V p. 452) il a émis sur ce point, en particulier, une opinion qu'après nous avoir entendu il ne soutiendrait pas aujourd'hui.

Enfin au XV° siècle, clans un moment critique pour les Tournemire, alors en lutte ouverte avec les Anjony, Rigaud de Tournemire, ses fils et son gendre avaient été condamnés par le Parlement de Paris à un emprisonnement dont ils ne pouvaient être libérés que par le dépôt d'une caution en argent qu'ils se reconnaissaient hors d'état de fournir. Ils décidèrent de l'envoyer chercher en Bretagne, ainsi que nous l'apprend le registre du greffier à la date du mardi, VI· de juillet 1473 (Arch. nat. X2A 39). Voilà donc en des circonstances difficiles et pressantes un appel fait d'Auvergne pour obtenir de leurs homonymes bretons aide et assistance. La communauté d'origine devient par là tout à fait certaine.

Il nous paraît clans ces conditions hors de doute que vers l180-1200, deux Tournemire, laissant en Bretagne un représentant de leur famille, ont dû revenir en Auvergne rapportant l'un son ancien écu au coticé, orné d'un franc quartier d'hermine, l'autre un écartelé d'or et d'azur, celui-là essentiellement breton. pour nous le premier était ce même Guillaume que les annales bretonnes donnent. pour chef à un corps de troupes envoyé par Henri II Plantagenet, roi d'Angleterre, pour secourir le duc Conan de Bretagne. Henri II, couronné roi d'Angleterre en l154, avait pris possession l'année précédente des provinces - Limousin et Auvergne comprises - que venait de lui apporter son mariage avec Eléonore de Guyenne. En visitant ces terres nouvelles, il n'avait pas pu manquer de faire la connaissance, s'il ne les connaissait déjà, des chefs des familles principales de ces régions. Chez les Tournemire de cette époque ou de l'époque immédiatement précédente, il y a eu des Guillaume à toutes les générations. Le Guillaume de 1153 par sa situation, sa parenté possible avec les comtes d'Auvergne, par sa parenté certaine et très proche avec les Turenne et avec les Comborn, ces derniers alliés aux Plantagenet, ne pouvait pas passer inaperçu de Henri II. Si Henri II a envoyé un Guillaume Tournemine en Bretagne, il a dû le prendre en Auvergne, seul point de son royaume en France où se trouvait alors une race chevaleresque de ce nom. Que ce Guillaume, chargé de faire prévaloir les intérêts de son suzerain en Bretagne, après avoir rempli avec succès la mission reçue, ait été favorisé par Conan, consolidé sur son trône ducal, de quelques fiefs bretons et d'un franc quartier d'hermine à son écu, ne serait que parfaitement naturel. On pourrait tenter d'expliquer de diverses façons - toutes hypothétiques évidemment - l'apparition de l'écartelé chez les Tournemire implantés en Bretagne. Il se pourrait, par exemple, qu'un fils de Guillaume eut épousé une héritière bretonne dont la famille lui aurait imposé de conserver ses armes à l'écartelé. Ce serait alors un petit-fils de Guillaume qui aurait regagné l'Auvergne, en même temps que son père ou son grand-père pour y jouir de la part qui lui revenait à Tournemire des biens de sa famille et qui aurait apporté à Tournemire son blason d'or et d'azur écartelé.

* * *

Nous avons précédemment cité le Château-Vieux- En notre XX°· siècle, quand nous entendons parler d'un château vieux à Tournemine, nous pensons aussitôt à cette construction dont il reste quelques vestiges dans le parc d'Anjony. Ce sont là effectivement les restes du plus récent des Châteaux-Vieux- Il y en eut deux autres plus anciens. Le suivant, en remontant le cours des âges, s'appela longtemps le Château supérieur ; il tombait en ruines en 1351, il n'en restait rien à la fin du XV° siècle ; le premier enfin des Châteaux-Vieux - le Château-Vieux n· 1 - a existé à Bezaudun ; il en est fait mention dans les terriers de la châtellenie de Tournemire ; il est cité à deux reprises au moins, clans des aveux du coticé qui le rappellent l'aveu de Guillaume de Tournemire en 1344 Dictionnaire hist. du Cantal T. V p. 455). Nous pensons que ce Château-Vieux a pu être la première habitation de l'immigrant venu de Basse-Auvergne. Un peu plus tard, s'y trouvant mal logé, le premier chef du coticé, ou son successeur, jugea nécessaire de se transporter clans une position plus facile à défendre ; il fit construire un nouveau château, dont faisait partie le « dongho » au-dessus et à droite du chemin conduisant à Larmandie. Ce fut le Château supérieur, ainsi désigné par opposition avec le château des Tournemire à la Tour qui, dans une position symétrique par rapport au chemin de Larmandie, avait été édifié au-dessous et à gauche de ce même chemin. Celui-ci s'appela le Château inférieur. il ne reste plus aucune trace du Château-Vieux de Bezaudun, sur l'emplacement duquel, sans doute, fut construit le château où se logea au XV° siècle la branche des Tournemire de Bezaudun ; il ne reste rien non plus du Château supérieur - Château- Vieux n· 2 - dont les matériaux furent employés à la construction du château de Tournemire, édifié aux XIV° et XV° siècles, qui devint pour nous, les années s'accumulant, le Château-Vieux n· 3, dont la base d'une tourelle se voit encore dominant le ravin du ruisseau de Tournemire.

Le Château supérieur bâti, comme nous l'avons dit, par le coticé seul, et la part de seigneurie qui en dépendait, subirent au XII° siècle et au commence- ment du XIII° des partages et des prélèvements pour constitution de dots à des filles qui entrèrent clans les maisons de Montal et autres, de sorte que pendant la période de 1280 à 1300, le Château supérieur dépendait de six coseigneurs ; un acte du 15 mars 1299, les nomme dans l'ordre suivant :

Le « Castrum » des Tournemire, sorte de camp retranché dont les limites, encore reconnaissables, sont données au cours de l'acte du 15 mars 1299, dépendait en premier lieu des six coseigneurs du Château supérieur, et en outre de Messire Rigaud Tornamira, chevalier et de ses deux filles, de Messire Géraud Tornamira, chevalier, d'Aimery Tornamira, damoiseau, tous coseigneurs du Château inférieur, et enfin de Messire Guillaume Gotbrand, chevalier, représentant les Viguiers de Tournemire.

Telle était la situation à Tournemire, quand apparurent les Joani d'Aurillac. Sur cette famille, voir les notes de l'oncle Guillaume